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Grison parle dans son livre de plusieurs airs de haute école. C’est peut-être lui qui a le mieux décrit la manière de faire faire jambette à un cheval et par conséquent les moyens d’obtenir le pas et le trot espagnols.

On a pu voir que toute la méthode de Grison repose sur les caresses et les châtimens. Il considère le cheval comme un animal capable de raisonner, de vouloir quelque chose. Il faut, dit-il, le corriger aussitôt qu’il a commis une faute : « après qu’il s’en sera corrigé, il cognoistra clairement que sa malice en fut cause… Et pour ce qu’on me pourroit dire qu’il semble quasi impossible que le cheval ayt tel discours : à cela je réponds, qu’estant le cheval créé de Dieu pour s’asservir et se conformer à la volonté de l’homme, ne se faut point esmerveiller s’il est en partie conforme à nostre entendement. Et quelle asseurance en voulons-nous plus grande que celle que l’expérience nous en montre tous les jours, non seulement de l’intelligence, mais encore de l’obéissance et de la promptitude d’esprit que le cheval nous fait apparoir en ses opérations ?… »

C’est bien évidemment parce que Grison croit que le cheval a conscience de ses fautes et comprend ce qu’on se propose en le corrigeant, qu’il prescrit de le frapper avec la dernière rigueur toutes les fois qu’il « ne veut pas obéir », afin de soumettre sa volonté, « d’unir son vouloir au nostre ».

J’ai insisté longuement sur cet ouvrage, parce que tous les auteurs s’en sont depuis inspirés et que beaucoup, encore de nos jours, lui font des emprunts, peut-être sans s’en douter. Je ne m’occuperai plus désormais que des méthodes les plus saillantes.

Laurentius Rusius qui vivait vers la même époque, recommande comme Grison d’employer la douceur au début du dressage, de faire promener le cheval en main, à la campagne et à la ville pour l’accoutumer à tous les objets et à tous les bruits, ce qui est très sage. Mais quand il s’agit d’un cheval rétif, il faut, dit-il, renfermer dans une écurie pendant quarante jours sans sortir ; puis, pour le monter, le cavalier se munira de grands éperons et de verges ou d’un bâton en fer terminé par trois crochets pointus qu’il mettra sur la croupe pour tirer le cheval en avant s’il recule ; ou bien on fera chauffer une corne et on la lui mettra sous la queue, le piquant de toute sa force avec les éperons. L’auteur fait mention d’un grand nombre de mors appropriés aux différens cas.

Bientôt on eut l’idée de construire des manèges pour y enseigner l’équitation et y dresser les jeunes chevaux. Ce fut un grand progrès, car les animaux enfermés dans un espace restreint