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par un restaurant surmonté d’une terrasse où l’on verse du café et toutes les boissons américaines. L’édifice n’a pas coûté moins de dix millions de francs. L’Auditorium, autre colosse, contient un hôtel meublé de quatre cents chambres, cent trente-six bureaux et magasins, une salle de concert où peuvent s’asseoir cinq cents personnes et un théâtre, l’un des plus somptueux du monde, où trouvent place quatre mille spectateurs. L’une de ces maisons colossales et des plus décorées à l’intérieur, le Rookery, quoiqu’elle n’ait que douze étages, a réglé ses comptes à sept millions et demi sans parler du terrain. C’est un des premiers édifices du genre, et son nom donne à penser qu’on le considérait comme un des plus élevés que dussent voir les rives du lac Michigan, puisqu’on le signalait comme un lieu où les corbeaux devaient faire leur nid.

Une catégorie à part de ces grandes bâtisses est celle qui appartient à la presse. Nous avons dit que l’une des plus belles rues de New-York réunissait sur son parcours les hôtels de presque tous les grands journaux. Le système généralement adopté par eux est une tour. Au sous-sol est placée toute la machinerie qui éclaire, imprime et fond les caractères. Les étages sont occupés par l’administration, la rédaction, la bibliothèque, les salles de réunion. Nous serions étonné s’il ne se trouvait pas tout en haut un restaurant. Tous les journaux pourtant n’ont pas adopté la tour pour se loger.

Le New-York Times s’est bâti un hôtel où l’effort qu’a fait l’architecte pour rompre la monotonie et atténuer la disproportion de son cube, perce avec une intensité très significative. Du dehors il est assez difficile de se rendre un compte exact du nombre des étages. L’artiste n’a pas visé à exprimer rigoureusement à l’extérieur la distribution de l’intérieur ; il semble même l’avoir avec soin évité. C’est la condamnation implicite de ce genre de constructions disproportionnées prononcée par celui qui est forcé de l’employer. L’édifice apparaît divisé horizontalement en cinq zones, un soubassement carré, un premier étage à pleins cintres, un second étage également à pleins cintres, mais géminés, au centre de l’élévation principale, un troisième étage, également à pleins cintres, mais moins haut et dont les baies sont géminées sur les côtés et réunies trois par trois dans les trois travées centrales. Enfin, au-dessus d’une corniche épaisse à modillons et sans frise, un attique forme un quatrième étage au centre, pendant que, sur les côtés, dans les combles, s’en dessine un cinquième. Si l’on s’avise de disséquer cette énorme construction, on découvre bientôt que la première zone comprend un étage au-dessus du rez-de-chaussée, que la seconde zone en contient trois, la troisième quatre, la quatrième deux, la cinquième deux également, en tout