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et dans l’Arizona, sur les terrains un peu partout et jusqu’en Europe.

L’hôtel meublé, en Angleterre aussi bien qu’en Amérique, avait déjà dépassé les hauteurs normales lorsque vint l’idée de bâtir à New-York des édifices destinés à contenir les bureaux de plusieurs administrations ou d’une administration considérable. La Cité de Londres en offrait quelques exemples. Il s’y rencontre depuis longtemps des maisons où sont réunis de nombreux « offices », le siège de sociétés diverses, de banques et même de maisons de commerce ; mais à Londres la surface des terrains était généralement assez vaste pour qu’on ne fût pas obligé de s’élever dans la région des nuages. L’invention relativement récente des ascenseurs et la valeur toujours croissante des terrains conduiront les propriétaires de la Cité à imiter les Américains qui, dès 1870, entreprirent de loger des bureaux d’affaires au dixième étage au-dessus du sol. C’est à New-York que se produit le phénomène.

Dans les villes d’Amérique et particulièrement dans celles où le mouvement du commerce est très actif, le lotissement des terrains s’est fait en vue de multiplier les façades sur les rues, il en est résulté que les terrains à bâtir sont profonds, mais que les front-à-rue sont étroits. Comment obvier à cet inconvénient ? L’ascenseur en a fourni le moyen. En outre, il convient d’observer que les terrains à bâtir atteignent souvent des prix auxquels cinq et six étages loués n’apporteraient pas un produit suffisant pour rémunérer le capital. Dans les villes anciennes, comme New-York et Boston, le front-à-rue du quartier des affaires n’est guère que de sept à neuf mètres, suivant la coutume anglaise, ce qui n’empêche pas le prix de s’élever à cinq mille et six mille francs le mètre carré. Dans les villes nouvelles les lots ont plus de largeur et s’étendent sur rue jusqu’à vingt-cinq mètres, mais les prix ne sont pas moindres par la raison que tous les hommes d’affaires (business men), c’est-à-dire tout le monde, veulent avoir leurs bureaux dans le même quartier nécessairement très limité. Ainsi, à Chicago, l’espace où se traitent les plus gros marchés agricoles du monde n’a pas plus de mille six cents mètres carrés de superficie. Il est borné d’un côté par le lac Michigan, de l’autre par un réseau de voies ferrées qu’il est impossible de déplacer et enfin par la rivière qui ferme la ceinture. Il a donc bien fallu chercher dans les airs l’espace que le sol refusait aux habitans ; on ne l’a trouvé qu’en entassant étage sur étage, Pélion sur Ossa. Il a été permis d’offrir alors des salles au prix de cinquante à trois cents francs le mètre carré par an, suivant l’étage, suivant le luxe prodigué dans l’édifice, suivant aussi l’étendue et le