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MAISONS HAUTES
EN ANGLETERRE ET EN AMERIQUE


I

Partout où l’espace fait défaut aux populations condensées des villes, les habitations, ne pouvant s’étendre en largeur, se dressent en hauteur. Leurs toits s’élèvent vers le ciel et les maisons deviennent ce que les Américains du Nord appellent des « grattoirs de nuages », sky-scrapers.

Les « maisons hautes » ne sont pas d’invention récente. L’antiquité les a connues. Tyr, serrée entre ses deux ports, tentait d’escalader le ciel avec plus de profit que les maçons de la Tour de Babel. Carthage, fille des Phéniciens, étranglée entre la mer et ses remparts, suivait les mêmes traditions pour satisfaire aux mêmes besoins. Comme à Tyr, les maisons devaient être très élevées : les opera interrupta de Virgile ne pouvaient présenter ces formes basses, ces cubes de maçonneries blanches, couronnées de coupoles, que l’Opéra a fait peindre pour un décor de Salammbô. La lourde maçonnerie exclut l’idée de bâtisses poussées à une grande hauteur ; ces constructions étaient eu charpentes. Les Tyriens avaient acquis dans l’art de bâtir en bois une grande renommée. Salomon fit venir de Tyr jusqu’à trente mille charpentiers ! Pour qu’il s’en trouvât un si grand nombre, il fallait bien qu’ils rencontrassent dans leur pays l’occasion fréquente de pratiquer leur métier. Les montagnes du Liban leur offraient la matière première ; un long et fécond apprentissage en faisait les ouvriers du genre les plus habiles que l’antiquité ait connus. Il est permis de l’affirmer, les maisons des riches marchands tyriens