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les arrêtait n’était pas de nature à ébranler leurs convictions dans l’excellence du principe monarchique, sa supériorité sur tout autre, le vice et le danger du principe contraire. C’était un obstacle accidentel, opposé par une volonté personnelle, qui, toute respectable qu’elle fût, était mobile comme tout ce qui est humain, et pouvait céder à de nouvelles lumières apportées par de nouvelles circonstances. De plus, par suite également de la condition humaine, la difficulté ne pouvait s’étendre au-delà d’une seule génération. C’était celle, à la vérité, dont les royalistes comme toute l’Assemblée faisaient partie : mais précisément parce qu’elle les atteignait tous et ne devait finir qu’avec eux, avaient-ils le droit, afin de s’en dégager eux-mêmes, d’engager pour jamais peut-être, par un pas décisif, dans une voie qu’ils croyaient funeste, la destinée future de leur patrie ? Des hommes attachés au principe héréditaire ne devaient-ils pas avoir avant tout à cœur de ne pas compromettre le sort et la liberté de leurs héritiers ?

Plus d’une année s’écoula dans cette incertitude, ou, pour mieux parler, dans cette angoisse, dont le souvenir même est douloureux. Des diverses combinaisons qui furent tentées pour réserver l’avenir en laissant la direction du présent à l’illustre homme de bien que la France pleure aujourd’hui et qui voulait bien en rester chargé, il est superflu de parler, puisqu’elles furent sans effet. Ce fut après cette longue attente qu’une fraction assez faible de la majorité monarchique, effrayée (on ne peut dire que ce fût sans sujet) du désordre qui pouvait naître, si rassemblée était contrainte de se retirer en confessant son impuissance. — inquiète de la nature des successeurs qui leur seraient donnés par les passions révolutionnaires que surexciterait un tel aveu, — crut qu’il lui était possible, sans adhérer au principe républicain, de le laisser s’établir en fait, mais en y mettant une condition et sous une réserve expresse : c’est que toute facilité serait réservée à la France pour s’en dégager le jour où le rétablissement de la monarchie, devenu possible, serait agréé par le vœu national. C’est sur ce terrain très nettement défini qu’une entente fut établie entre ce groupe détaché du parti monarchique et les principaux personnages de la minorité républicaine.

De ce qui fut dit et traité dans leurs conférences, je ne puis parler que d’après des bruits publics ou des entretiens privés. J’avais, cela va sans dire, aussi peu de droit que de désir d’y être admis. J’avais combattu trop ouvertement et à trop de reprises le principe républicain, même à la tribune ; et dans la séance où une voix de majorité finit par le faire prévaloir, la mienne figurait encore dans la minorité négative. Nullement consulté sur le