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républicain, incompatible avec le tempérament social de la France, serait fatal à sa sécurité comme à sa grandeur. C’était l’axiome de toute une génération politique. Ceux, en petit nombre, qui, ayant partagé ces sentimens, s’en écartèrent peu de temps après leur entrée dans l’assemblée furent déterminés sans doute par des motifs trop consciencieux pour qu’on eût des reproches à leur en faire. Seulement, ils en avaient encore moins à adresser à ceux qui ne les imitaient pas.

Et l’Assemblée n’avait pas seulement le désir de rétablir la royauté : elle pensait, dans le fond de son âme et l’intimité de sa conscience, avoir reçu de la France un mandat qui lui imposait le devoir d’y consacrer tous ses efforts. Ce mandat lui-même était à ses yeux strictement limité : elle ne pouvait, elle ne voulait, elle ne devait rétablir la royauté qu’à la condition d’en confier la garde à l’héritier et au chef de la glorieuse race qui a présidé aux meilleurs jours de notre histoire. Nul autre choix royal ne paraissait ni légitime ni possible, et ne fut un instant dans la pensée de personne. Comment fut trompé l’espoir un instant conçu de rendre à la France le gouvernement qui a fait sa force et sa grandeur, c’est ce que je n’ai pas à rappeler ici, par l’excellente raison qu’il n’y a sur ce sujet rien à apprendre, ni par moi, ni par aucun autre, que tout le monde ne sache. Tout s’est passé en public et au grand jour. Il n’y eut ni mystère, ni intrigue souterraine qui reste à découvrir. L’histoire n’aura pas de confidence à révéler. Le seul point, — le seul, quoi qu’on en ait dit, et quelque supposition qu’on se soit plu à faire, — sur lequel l’intelligence ne put s’établir entre l’Assemblée et le prince que tout notre désir était de porter au trône, est parfaitement connu. Je ne crois pas non plus qu’aucun de mes collègues survivans (et, grâce à Dieu, ils sont nombreux) croie qu’il fût possible, au prix d’un effort quelconque, d’amener la majorité de l’Assemblée sur le terrain où le prince s’était placé par un scrupule de dignité et d’honneur que ne partageaient pas beaucoup de ses plus dévoués partisans. Si quelqu’un d’eux a pensé alors ou pense aujourd’hui que l’essai pût être encore tenté dans les conditions où le refus du prince nous mettait, il doit regretter de n’en avoir pas indiqué le moyen quand il eût été temps de le prendre, et donné le conseil quand on était en mesure de le suivre.

La majorité monarchique de l’Assemblée ne s’en trouvait pas moins placée, par cette impossibilité de réaliser ses espérances, dans la plus pénible perplexité qui jamais ait mis à la gêne la conscience de bons citoyens et d’honnêtes gens : tôt ou tard, la justice de l’histoire leur en tiendra compte. D’une part l’obstacle qui