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correspond à aucune des échéances du renouvellement triennal du Sénat. Le Président doit donc assister, pendant le cours de son mandat, au renouvellement à peu près complet du personnel de ses électeurs. Cette stabilité plus grande paraît propre à rétablir l’égalité entre les pouvoirs, celui des deux qui tient de l’autre son existence ayant l’avantage d’être destiné à lui survivre.

Une garantie d’indépendance qui a même un certain caractère de supériorité est encore assurée au Président par le droit qui lui est attribué de dissoudre la Chambre des députés avec le concours du Sénat, et de terminer ainsi par un appel au pays un dissentiment où il croirait le droit et la raison de son côté, et qui lui paraîtrait compromettre l’intérêt public.

Enfin le système est complété par l’article qui limite la responsabilité du Président au cas très rare et presque impossible à prévoir de la haute trahison et qui laisse à des ministres qu’il choisit et nomme lui-même la charge de porter devant les Chambres toute la responsabilité de la politique générale. La personne du chef de l’Etat doit être préservée ainsi de toute attaque, tenue en dehors et élevée au-dessus des débats parlementaires, et il n’a pas à craindre de voir ses propres électeurs lui retirer après coup, par un vote de censure ou de blâme, tout l’appui moral du témoignage de confiance qu’ils lui auront donné.

Ainsi, durée prolongée du mandat, droit de dissoudre une des deux Chambres avec le concours de l’autre, irresponsabilité personnelle du Président, et libre choix par lui des ministres qui doivent porter toutes les responsabilités à sa place, tel est bien l’ensemble de mesures préservatrices dont la combinaison a paru propre à assurer au chef du pouvoir exécutif une situation suffisante pour traiter à égalité avec le parlement et veiller à la défense du domaine propre qui lui appartient.

Avant d’examiner quel peut être l’effet de ce mécanisme constitutionnel, on ne peut se dispenser de remarquer que deux des ressorts qui paraissent destinés à en assurer le jeu n’ont jamais figuré en aucun temps, en aucun pays, dans aucune législation républicaine. La République n’est pas d’hier, elle a existé avec éclat en Grèce et à Rome, dans l’antiquité et au moyen âge, en Italie. La Suisse n’a jamais connu d’autre condition et, malgré le vice du système électoral que je viens de signaler, elle subsiste depuis cent ans aux États-Unis, dont la constitution a servi de modèle à tous les États sortis du démembrement de l’Amérique espagnole et portugaise. Nulle part, dans aucune de ces républiques d’origine et de race si différentes, on ne trouvera rien de semblable, rien même d’analogue soit au droit remis au chef de l’Etat de