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ma femme doit exiger, et toujours exiger, ce que son sexe dans le cours des siècles a perdu.

HOFFMANN. — Ah ! ah ! ah ! l’émancipation de la femme !


Si les propos de Loth produisent peu d’effet sur Hoffmann, qui finit par le prier de quitter sa maison, ils en produisent beaucoup sur Hélène. La pauvre fille voit en lui le sauveur qu’elle attend, l’homme au cœur noble qui lui donnera sa part de bonheur et dont elle est toute prête à partager la vie, quelque pauvre ou pénible qu’elle soit ; et elle finit par lui avouer son amour, au moment où il va partir :


HELENE, doucement. — Monsieur Loth !
LOTH tressaille, se retourne. — Ah ! c’est vous. Alors, je puis au moins vous dire adieu.
HELENE, involontairement. — Vous en éprouviez le besoin ?
LOTH. — Oui, j’en éprouvais le besoin. Probablement, quand vous étiez ici, avez-vous assisté à la scène.
HELENE. — J’ai tout entendu.
LOTH. — Alors, vous ne serez pas étonnée si je quitte cette maison sans autre cérémonie.
HELENE. — Non ! je comprends…
………..
Peut-être vous adoucirez-vous à son sujet. Mon beau-frère a le repentir très prompt. Je l’ai souvent…
LOTH. — C’est très possible ! Mais peut-être que ce qu’il a dit de moi était sa vraie opinion.
HELENE. — Le croyez-vous sérieusement ?
LOTH. — Oui ! sérieusement ! Donc… (Il s’approche d’elle et lui tend la main.) Adieu. (Il se tourne et redevient silencieux.) Je ne sais pas… ou plutôt (regardant Hélène avec calme dans les yeux) je sais, je sais, qu’à partir de ce moment, il ne m’est pas très facile de m’en aller d’ici… et… oui… et… oui !
HELENE. — Si je vous priais, cependant… si je vous priais, de tout mon cœur, de rester encore ?
LOTH. — Vous ne partagez donc pas l’opinion de votre beau-frère ?
HELENE. — Non ! Et je voulais vous le dire, vous le dire encore avant… avant que vous ne partiez.
LOTH saisit sa main. — Cela me fait vraiment du bien.
HELENE, luttant contre elle-même. Dans une excitation qui monte presque à l’inconscience, elle balbutie péniblement : — Je voulais vous dire — encore quelque chose — c’est… c’est que… je vous estime beaucoup et vous vénère, comme je n’ai encore estimé aucun homme… que j’ai confiance en vous, que je suis prête… à le prouver… que je ressens quelque chose pour toi, pour vous. (Elle tombe défaillante dans ses bras.)
LOTH. — Hélène !