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dans les détails. On est étonné de trouver au chapitre de l’administration un tableau de la cour et du courtisan, et une digression sur l’influence des femmes. On se demande pourquoi le droit civil est séparé de la justice et la bourgeoisie du régime municipal et des parlemens. Toute la politique extérieure, si intimement liée au développement de la France, est réservée pour un autre volume. Enfin la question de l’Eglise est traitée la dernière, ce qui est proprement mettre la charrue devant les bœufs, puisque l’Eglise a précédé l’État, qu’elle le domine encore dans l’imagination des peuples, et que, dans l’assemblée de 1614, le débat le plus important va rouler sur l’indépendance de la couronne à l’égard des papes.

Voici ce qu’on peut répondre. L’ordre suivi par M. Hanotaux est celui qui convient à son sujet. Il ne fait pas un cours sur l’histoire de la civilisation, il peint la France telle qu’elle était au temps de Richelieu. Il prend donc les questions à peu près dans l’ordre où elles se seraient offertes à l’esprit de Richelieu lui-même. Ce futur ministre avait dû se pénétrer tout d’abord de la tradition monarchique représentée par les acquisitions successives des rois. Son premier geste devait être ensuite de porter la main sur les attributs du pouvoir, — armée, justice, administration, finances, — et, à une époque où le pouvoir était encore contesté, il devait les envisager avant tout comme des moyens de domination. Que fait, de nos jours, un homme politique, lorsqu’il prend possession du ministère ? Il se fait remettre les « dossiers » des affaires courantes, c’est-à-dire qu’il remonte à l’origine des questions qui réclament une solution immédiate. M. Hanotaux, comme un excellent chef de service, apporte d’abord à Richelieu le dossier de l’armée, celui du parlement, celui des gouverneurs, celui du contrôleur des finances avec le budget de l’année, car demain il faudra se battre, ou tenir un lit de justice, ou rétablir l’ordre dans les provinces et surtout il faut trouver de l’argent. Seulement ce sont des dossiers admirables, comme on n’en voit pas dans les ministères et qui, sur chaque point, touchent le fond des choses. Si les commérages de la cour se jettent à la traverse des affaires sérieuses, c’est qu’il en était réellement ainsi et qu’une nuance insensible ; séparait l’homme d’État du courtisan. Le grand ministre s’appliquera justement à débrouiller cette confusion. Cependant ses vues réformatrices se heurteront bientôt à la résistance des uns, aux privilèges des autres. M. Hanotaux va donc fournir des notes circonstanciées sur la cause, la valeur et l’opiniâtreté de ces résistances. L’histoire même des États-Généraux ne préoccupe le nouveau ministre que lorsqu’il a constaté le vide parfait et l’inutilité de ceux de 1614, les derniers de l’ancienne monarchie. Il s’informera plus