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centimes spéciaux (pour parler la langue administrative) qui figurent encore aux ressources des communes et qui ont contribué à doter la France de ce magnifique réseau de chemins, à la fois cause et indice de sa prospérité, au moins par comparaison à d’autres nations. Lorsqu’on 1850 le gouvernement de la seconde république voulut donner une impulsion vigoureuse au développement de l’instruction primaire, il accorda aux mêmes conseils municipaux la faculté d’inscrire à leurs budgets un ou plusieurs centimes spéciaux pour faire face aux dépenses scolaires, et, à défaut d’un vote spécial, il investit le pouvoir exécutif du droit de frapper cette imposition par décret. Ces centimes ont été inscrits longtemps au budget de toutes nos communes ; s’ils ont cessé d’y figurer aujourd’hui, c’est que la législation nouvelle a fait, à tort ou à raison, du service de l’instruction primaire un service d’Etat. Mais le développement de l’instruction primaire dans notre pays, pendant près de quarante ans, a été dû incontestablement à cette faculté donnée à nos conseils municipaux. La vicinalité, l’instruction, c’étaient assurément deux services importans. La charité est-elle d’une importance moindre ? Je ne le crois pas. C’est donc à ce service qu’il s’agirait de pourvoir. Une des grandes difficultés de la charité publique, c’est moins l’insuffisance de ses ressources que leur inégalité. Ici elle est richement pourvue parce qu’elle a été assez heureuse pour conserver des biens-fonds ou des revenus sur lesquels la Révolution n’a pas mis la main et dont la libéralité des fidèles avait autrefois doté certains instituts charitables. Ailleurs, au contraire, elle ne tire sa subsistance que des allocations nécessairement variables que les conseils municipaux mettent à sa disposition. Ailleurs, elle n’existe pas, même à l’état embryonnaire, parce qu’elle ne possède rien. C’est à cette inégalité, qui n’est pas du tout proportionnelle à la misère et qui est due au hasard, qu’il s’agirait d’apporter un terme en mettant à la disposition des conseils municipaux un moyen pratique d’assurer le service de la charité, comme les gouvernemens précédens ont mis à leur disposition les moyens d’assurer le service de la vicinalité ou celui de l’instruction.

Ce service à l’heure actuelle, dans les villes où il existe, est assuré ou complété par des subventions, comme autrefois aurait pu être assuré également par des subventions le service de la vicinalité et celui de l’instruction primaire. On n’en a pas moins affecté à ces deux services des centimes spéciaux, et il est certain que la création de ces moyens financiers leur a donné une puissante impulsion. Il en serait de même de la création d’un centime charitable. Nul doute que dans l’état présent des esprits, et à un moment où