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Cette expérience démontra, d’une façon irréfutable, le principe des interférences.

Ce qui s’est passé dans l’expérience du colonel Savart se reproduit de la même manière, quand il s’agit de vibrations lumineuses. De même que du son ajouté à du son peut produire, ou du silence, ou de l’amplification sonore, de même de la lumière ajoutée à de la lumière peut produire, ou de l’obscurité, ou l’amplification du rayon lumineux.

Lorsque la lumière directe tombe sur un miroir, elle rencontre en chemin la lumière précédemment réfléchie, et partout où les vibrations lumineuses seront dirigées dans le même sens, leur éclat sera plus grand, tandis qu’au contraire il y aura extinction au point où les vibrations seront opposées. L’espace compris en avant du miroir sera donc partagé en tranches ou en stratifications successives. Dans les unes, la lumière aura atteint son plus vif éclat. Dans les autres, au contraire, l’obscurité sera devenue complète. On peut facilement déterminer, par le calcul, que la distance comprise entre ces tranches est d’environ un 4 000e de millimètre, et l’on conçoit, dès lors, que, l’œil nu ne pouvant pas les saisir, il ait, au contraire, la sensation d’une lueur uniforme.

Mais là où l’œil nu est impuissant, la plaque photographique ne le sera pas. C’est ce qu’a pensé M. Lippmann, lorsqu’il conçut l’idée d’utiliser les phénomènes d’interférence, pour créer, non pas dans l’air libre, mais sur la couche sensible à la lumière d’une plaque photographique, les stratifications formées alternativement par les lignes lumineuses et les lignes obscures. Par ce procédé, l’impression lumineuse de l’objet à photographier ne se manifestera que sur les tranches où la lueur est éclatante, tandis qu’elle n’aura aucune action dans les couches obscures.

Si donc on cherchait à reproduire photographiquement un corps composé de plusieurs couleurs, chacune de ces couleurs trouverait dans les tranches minces déterminées par ces stratifications la place qui correspond à l’épaisseur de chacune d’elles. Le rouge trouverait des tranches de 620 millionièmes de millimètre et le violet des tranches de 423 millionièmes de millimètre, qui correspondent, comme on l’a vu plus haut, à l’épaisseur de la couche lumineuse produisant ces couleurs. Il en est de même pour toutes les autres couleurs plus simples et, par conséquent, pour les parties constitutives des couleurs complexes. En développant la plaque sensible ainsi impressionnée, son épaisseur sera formée d’une série de feuillets d’argent photographique, séparés les uns des autres par des distances infiniment petites et qui diffèrent exactement suivant la couleur qui a impressionné la