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domaine de la lumière cette curieuse propriété qui semblait être cantonnée dans celui des vibrations sonores.

Cette conception, dans son élégante simplicité, fut, on peut le dire, une conception de génie. Elle n’avait rien de comparable aux tentatives faites depuis le commencement de ce siècle pour la fixation photographique des couleurs.


I

En 1810, Seebeck, professeur à Iéna, aborda pour la première fois le problème de la photographie des couleurs. Il essaya d’impressionner, à l’aide d’un spectre solaire, un papier couvert d’une couche de chlorure d’argent. Ses expériences, qui ne réussirent pas, eurent d’ailleurs peu de retentissement. Elles furent sérieusement reprises en 1841 par l’astronome anglais John Herschel, qui fit une tentative nouvelle sur le papier à chlorure d’argent. Puis, ayant échoué, il essaya le bromure et l’iodure d’argent et même certains produits naturels, tels que la racine de gaïac. Il arriva, par ces procédés, à fixer passagèrement quelques couleurs sur des papiers sensibles. C’étaient déjà des résultats de nature à encourager les chercheurs. On en était alors au début de la photographie.

Mais les résultats obtenus furent bientôt dépassés par les expériences d’Edmond Becquerel qui réussit, en 1848, à obtenir sur une lame de plaqué d’argent, recouverte d’une couche de sous-chlorure d’argent violet, l’impression de toutes les couleurs du spectre solaire.

Malheureusement, les couleurs emmagasinées de cette façon disparaissaient dès que l’on exposait le cliché à la lumière. En vain essaya-t-on de le conserver dans un bain fixateur. A chaque tentative, toute coloration s’évanouissait. L’impression des couleurs spectrales par le procédé Becquerel perdait une partie de sa valeur par l’insuccès du fixage. La science et l’habileté expérimentale du célèbre physicien n’arrivèrent pas à surmonter l’obstacle auquel se heurtèrent successivement tous ceux qui essayèrent d’aborder la pholochromie par la méthode de l’impression directe.

Des chimistes, tels que Niepce de Saint-Victor, de 1851 à 1866, Testud de Beauregard, en 1855, Poitevin, en 1865, tentèrent de recueillir les couleurs à l’aide de substances chimiques, sans jamais arriver à fixer les épreuves, ni à les maintenir intactes sous l’action de la lumière.

Après les chimistes, les photographes. Après les photographes, les empiriques. Puis encore des génies incomplets, tels que