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toutes les distractions, celle qui semble le mieux adaptée à notre nature, la plus capable de nous apporter la menue monnaie du bonheur ; la moins immorale aussi, puisqu’elle s’adresse aux plus nobles instincts de l’âme ; qu’une tragédie, un opéra peuvent inspirer des sentimens héroïques, et qu’il n’y a guère de pièce, si cynique qu’elle paraisse, dont on ne fasse sortir une leçon de prud’homie. L’univers n’est pas seulement une cuisine et un couvent ; se réjouir, oublier quelques instans son lourd fardeau est aussi nécessaire que manger et prier ; et si, dans sa marche courageuse vers une destinée inconnue, l’Immunité a su créer l’art, la science, la vertu, il faut lui savoir gré d’avoir semé, le long de son calvaire, quelques fleurs, quelques gouttelettes de rosée qui la rafraîchissent et lui permettent de reprendre des forces pour le combat du lendemain. Oublier ses défauts et ses maux pendant trois ou quatre heures, devenir ce personnage du passé ou du présent qui s’agite devant vous, rire de ses saillies, partager ses espérances, ses amours, se parer de ses qualités, parler sa langue, entendre une musique qui met à votre portée les visions sublimes, vous communique l’enthousiasme de toute une salle, de pareilles joies méritent sans doute qu’on témoigne quelque gratitude à qui les procure, et il appartient surtout au théâtre de nous les ménager. C’est pourquoi notre curiosité passionnée s’attachera toujours à une institution qui apporte un véritable bienfait au peuple aussi bien qu’aux raffinés de la civilisation ; c’est pourquoi il n’est peut-être pas inutile de résumer la vie des principaux acteurs de cette Comédie où Napoléon voyait la gloire de la nation, et, en esquissant leur physionomie, de rappeler quelques fragmens de notre histoire sociale pendant la Révolution et l’Empire.[1].


I

Dès le début de la Terreur, la peur, l’émigration, ont fermé la plupart de ces salons dont les hôtes se retrouvent à l’étranger, en

  1. Charles Maurice, Épaves, 1 vol. — Histoire anecdotique du Théâtre et de la Littérature, 2 vol. — La Revue des Comédiens, 2 vol. in-12, 1808, par Fabien Pillet et Grimod de la Reynière. — Paul Ginisty, Choses et Gens de théâtre. — Jules Janin, Histoire de la Littérature dramatique, 6 vol. — Eugène Laugier, Documens historiques sur la Comédie-Française, 1 vol. — Th. Muret, l’Histoire par le théâtre, 3 vol. — Henri Welschinger, la Censure sous le premier Empire. Le roman de Dumouriez. Le théâtre pendant la Révolution, 3 vol. — Les Anecdotes dramatiques, 3 vol. — Le Vacher de Charnois, les Costumes des grands Théâtres de Paris, 5 vol. — Benjamin Constant, Mélanges de Littérature, t. Ier, 1829), lettre sur Julie. — L’Opinion du parterre. — Le Mémorial dramatique. — Le Journal de l’Empire. — Barrère, Mémoires des Comédiens. — Brazier, Histoire des petits théâtres de Paris. — Frédéric Faber, Histoire du Théâtre-Français en Belgique, 5 vol. — Geoffroy, Cours de littérature dramatique, 6 vol. — Hippolyte Auger, Physiologie du théâtre, 3 vol. — Restif de la Bretonne, les Contemporaines. — Mémoires de. Fleury, de Mlle Flore, de Mme de Rémusat, de Baussel, de Constant, de Tilly, de Dumouriez. — Arnault, Souvenirs d’un sexagénaire, 4 vol. — Alfred Copin, Talma et la Révolution, Talma et l’Empire, 2 vol.