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sont ceux de la capitale, les logis provinciaux d’aujourd’hui ne rappellent que de très loin les soupentes, les arrière-boutiques et les taudis dont se contentait une notable fraction de la population de jadis.

La hausse des maisons urbaines se compose en effet de trois élémens : le premier c’est, en supposant les maisons actuelles exactement semblables de forme et de matériaux aux maisons d’autrefois, la hausse de ces matériaux mêmes et du salaire des ouvriers qui les ont mis en œuvre. Le second élément, c’est la quantité plus grande de matériaux et de main-d’œuvre qu’absorbent les maisons actuelles, puisqu’elles sont plus vastes, et l’emploi de matériaux plus chers, puisqu’elles sont en général plus soignées. Le troisième élément de hausse enfin, c’est le prix infiniment plus élevé des terrains. Ce dernier a agi, dans les villes, avec beaucoup plus de force que les deux autres.

En comparant, par exemple, la moyenne des constructions parisiennes avec la moyenne du mètre de terrain, circonscrit par les fortifications, on remarque que le prix d’une maison de Paris équivalait, au XIIIe siècle, à la même somme que deux hectares et demi de ce terrain ; qu’au XIVe il équivalait au prix de trois hectares, au XVe au prix de quatre hectares et demi, et au XVe au prix de 80 ares seulement. Aujourd’hui, il ne représente plus que la valeur de 10 ares non bâtis. Si les maisons de province ont haussé dans une mesure beaucoup moindre, cela tient à ce que la hausse des terrains s’y est produite avec beaucoup moins d’énergie.

Il en est ainsi a fortiori à la campagne : la moyenne des habitations rurales dont nous possédons les prix, s’élève en capital à 185 francs de 1201 à 1300, à 122 francs de 1301 à 4400, à 126 francs de 1401 à 1500 et à 198 francs de 1501 à 1000. Ces chiffres, en tenant compte des variations du taux de l’intérêt durant ces quatre siècles, correspondent à des loyers de 15, 10 et 12 francs. Moins que les bâtimens urbains, ces chaumières, — la plupart n’étaient pas autre chose, — avaient souffert des désastres du XVe siècle ; elles profitèrent aussi beaucoup moins de la hausse du XVIe siècle. Leur loyer varie, au XIIIe siècle, de 7 francs dans l’Eure et dans la banlieue de Laon, à 28 francs dans Seine-et-Oise. Aux XIVe et XVe siècles il oscille de 20 centimes, taux du bail d’une maison d’école à Port-sur-Saône, en Franche-Comté (1365), de 75 centimes en Périgord, et de 1 fr. 40 pour une « masure avec jardin et verger » à Priers, près de Soissons, jusqu’à 7 et 10 francs ; les plus hauts chiffres ne passent pas 18 francs.

Au XVIe siècle, bien qu’on trouve de petites maisons avec jardins pour 2, 3 ou 4 francs par an dans l’Eure-et-Loir, la Sarthe ou