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(1294) ; celui d’Ottodinge, en Franche-Comté, atteignait seulement 4 500 francs.

Avec le XIVe siècle, une baisse notable se produit dans les petites villes et dans les champs. La propriété bâtie est dépréciée de plus du tiers en Champagne. Le fait est d’autant plus singulier qu’à Paris on constate une hausse. Les loyers varient de 2fr. 70 cent. à Arles à 155 francs à Tours ; dans la seule ville d’Evreux ils s’échelonnent de 5 francs à 208 francs. La situation reste à peu près la même au siècle suivant. A Orléans, un hôtel se louait 131 francs, en 1435, cinq ans après la délivrance de cette ville par Jeanne d’Arc ; c’est l’un des plus gros loyers que j’aie notés au XVe siècle ; à Nîmes, on pouvait se loger pour 7 francs. A Troyes, lors du traité honteux auquel cette ville a donné son nom, et par lequel la cupide Isabeau vendait la France à l’Angleterre, les loyers varient entre 40 et 95 francs, tandis qu’ils n’étaient, dix ans plus tôt (1412), que de 20 à 54 francs. Cette hausse, toute locale, tenait au séjour des princes et de leur suite.

Que pouvaient être de semblables bâtisses ? Peu de chose sans doute comme luxe et comme dimensions. Elles suffisaient cependant à la bourgeoisie du temps, aux clercs, marchands et hommes de loi qui peuplaient presque exclusivement les cités des XIVe et XVe siècles. De-ci, de-là, surgissaient en petit nombre quelques nobles édifices où l’opulence d’un seigneur, d’un prélat, s’était donné carrière. C’est ainsi qu’à Avignon, pendant le séjour des papes, tandis que tel cardinal achète sa maison 800 francs, et que tel autre paie la sienne 4 300 francs, un troisième prince de l’Eglise consacre à son palais (1313) une somme de 48 800 francs. En effet le prix de ces morceaux exquis d’architecture n’a rien de commun avec celui de la tourbe des maigres constructions qu’ils dominent, comme les clochers d’une cathédrale écrasent les humbles tuiles des toits d’alentour. Que peut être la « maison de ville » de Rennes, qui coûte 6 200 francs, ou le logis du chancelier d’Aragon à Perpignan qui en coûte 8 000, en regard de l’hôtel Chaillau, à Orléans, vendu 44 000 francs par le sire de Coucy, et du fameux hôtel « Hugues Aubriot », dans la même ville, acheté 60 000 francs en 1397 ?

Ce sont là, dans les villes du moyen âge, des « maisons exceptionnelles », selon le terme employé par l’administration d’aujourd’hui pour les châteaux et demi-châteaux, dont la campagne française est parsemée. Leur nombre est trop restreint, par rapport à la masse des chaumières, pour relever beaucoup le prix de l’ensemble. Ces palais urbains ne sauraient entrer dans le calcul des moyennes d’autrefois, ni les empêcher de descendre de