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fut plus tard la rue Basse-du-Rempart. Elle était d’une contenance de 8 arpens (2 hectares 72 ares) et se louait alors 200 francs ; ce qui représentait, capitalisé au denier 12, environ 9 centimes le mètre de valeur vénale. Ce bail ne tarda pas à baisser, comme faisaient alors dans le reste de la France tous les revenus fonciers. En 1399 notre terrain était tombé à 135 francs, et en 1472 à 37 francs. Soixante ans après, en 1533, il n’était encore loué que 39 francs ; et cependant, d’une date à l’autre, aux 2 hectares 70 ares de la Chaussée d’Antin, était venu s’ajouter 1 hectare 35 ares dans le quartier de la Madeleine, à la Ville-l’Evêque. Ces quatre hectares des 1er et 8e arrondissemens, qui vaudraient aujourd’hui-plus de 40 millions de francs, ne rapportaient pas 40 francs (8 livres tournois) au milieu du règne de François Ier, et ne valaient par conséquent pas plus de 600 francs en capital. Fn 1552, ils s’étaient élevés à 1 900 francs, en 1646 à 25 400 francs, en 1767 à 64 000 francs et en 1775 à 260 000 francs.

La dernière hausse, si rapide, venait de ce que, sur ces terrains voisins des boulevards, concédés au sieur Charles Sandrié, entrepreneur des bâtimens du roi, des constructions compactes avaient succédé, sous Louis XVI, à la culture maraîchère. Ces maisons, qui formèrent le passage Sandrié, ont été expropriées à leur tour, il y a trente ans, pour faire place à l’Académie nationale de musique et aux rues dont elle est entourée. De 1380 à 1533, une baisse avait eu lieu de 9 centimes à 1 centime et demi le mètre ; de 1533 à 1646 au contraire, la hausse s’était manifestée dans la proportion de 1 à 42 (1 centime et demi contre 64 centimes le mètre carré) ; puis, de 1646 à 1775, elle avait été de 1 à 10 (64 centimes contre 6 fr. 40 le mètre). De 1775 à nos jours, elle a été de 1 à 155 (6 fr. 40 contre 1 000 francs le mètre). La hausse totale a été, en trois cent cinquante ans, de 1 centime et demi à 1 000 francs, en cette partie de la capitale.

Ce sont là, bien entendu, des exceptions infiniment rares, puisque tous les terrains de Paris ne sont pas dans le voisinage du boulevard des Italiens, de la Madeleine ou du faubourg Montmartre ; mais elles font toucher du doigt l’histoire, en quelque sorte féerique, du prix de ces surfaces privilégiées, que la civilisation est allée prendre au milieu des champs pour en faire ses centres d’élection, le lieu principal de son activité ou de ses plaisirs.

Pour avoir grandement augmenté depuis sept siècles, elle aussi, la propriété bâtie proprement dite, les maisons de Paris, de province ou de la campagne, restent bien en arrière de la hausse des terrains ; d’autant plus que, ne l’oublions pas, les