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L’hectare de terrain, compris dans les vingt arrondissemens de Paris, valait en moyenne, au XIIIe siècle, 652 francs ; il vaut aujourd’hui 1 297 000 francs. Autrement dit, le mètre carré est monté, dans cet intervalle de six cents ans, de six centimes et demi à cent trente francs. Les prix ou les revenus capitalisés de terrains, qui ont servi de base à nos évaluations de jadis, diffèrent assez peu les uns des autres pour que l’on soit en droit d’en tirer des moyennes sérieuses.

Jusqu’au milieu du XVIe siècle, presque aucun de ceux que j’ai recueillis ne provient de quartiers partiellement bâtis à l’époque. Ils sont au Paris de saint Louis, de Charles le Sage ou de Louis XII, ce que peuvent être au Paris actuel des terrains situés dans une des communes suburbaines du département de la Seine. Ils sont même, de 1200 à 1400, proportionnellement moins voisins de l’enceinte de Philippe-Auguste, que Sèvres, Asnières ou Bourg-la-Reine ne le sont des fortifications de 1893. La sphère d’attraction de la petite ville de 1210, qui ne comprenait guère que l’île de la Cité, avec deux triangles à droite et à gauche, l’un au nord ayant pour sommet la pointe Saint-Eustache, l’autre au midi ne dépassant pas la Sorbonne, devait être extrêmement réduite. Quelque éloignés que paraissent alors du chef-lieu de la France capétienne ces villages de Montmartre, de la Ville-l’Evêque ou du Gros-Caillou, où les bourgeois parisiens avaient leurs maisons de plaisance, leurs vignes et leurs prés, et qui ont formé successivement les vingt arrondissemens d’aujourd’hui, il ne faut pas oublier que c’est à ce périmètre de 7800 hectares que s’applique la moyenne de treize cent mille francs. C’est donc le prix des terrains renfermés dans cet espace qui doit être, depuis sept cents ans, mis en regard du prix actuel.

Il est certain que nous trouverions, du XIIIe siècle au XVIe siècle, des chiffres plus élevés si nous avions borné nos recherches, de saint Louis à Jean le Bon, aux quartiers de Notre-Dame, de la Grève ou de la pince Maubert, et, de Charles VI à François Ier, aux districts alors récemment annexés du Temple, de Saint-Antoine, de Saint-Paul ou de Sainte-Geneviève. On obtiendrait cependant à chaque période des prix bien différens, selon que les terrains appartiendraient à la ville réellement habitée, ou à des nuirais encore en culture, comme il en existait dans ces parages, alors excentriques, qui s’appelaient le bourg Saint-Germain l’Auxerrois, le bourg l’Abbé ou le Beau-Bourg, longtemps après qu’ils eurent été englobés dans le circuit des murailles de 1212. Une fois connus, les prix de ces quartiers, isolés de ceux des quartiers modernes, ne pourraient être comparés qu’à ceux des mêmes