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palmes, des aigles, des enseignes militaires que le temps a fort maltraitées. Du côté du Midi, en avant de la muraille, deux colonnes isolées, dont l’une est restée debout à sa place, portaient sans doute des statues ou des trophées. L’édifice est d’une assez basse époque ; une inscription, dont il ne reste que quelques mots, mais que Willmans a fort adroitement complétée, indique qu’il a été construit en 268, sous l’empereur Gallien, après un tremblement de terre, qui sans doute avait ravagé le pays. À ce moment, l’art romain était en pleine décadence : les débris des sculptures informes qui décoraient les murailles ne le prouvent que trop. Cependant l’architecture s’était mieux défendue. Jusqu’à la fin elle conserva quelques-unes de ses anciennes qualités : elle a de bonne heure perdu l’élégance, mais il lui reste la majesté. À la veille même des invasions, Rome, construisait encore des édifices qui ont grand air. Celui-ci, quoique bâti dans des temps de malheur public, quand le trésor était vide et l’empire à moitié disloqué, n’en produit pas moins un bel effet, et l’on ne peut se défendre d’une très vive impression quand on voit ce grand mur presque nu, que le temps a revêtu d’une couleur merveilleuse, s’élever au milieu des ruines. Sur le nom qu’il faut lui donner et l’usage auquel il devait servir, aucun doute n’est possible : c’était le prætorium, c’est-à-dire la résidence du chef de la légion. Comme le commandement (imperium) était chez les Romains une chose sacrée, le prétoire est une sorte de temple. Devant la porte principale se trouvent l’autel, où le général sacrifie et prend les auspices au nom de l’empereur, le tribunal, d’où il rend la justice, et ce tertre de gazon du haut duquel il harangue ses soldats.

Il ne reste aujourd’hui du prétoire de Lambèse que les quatre murs ; l’intérieur est rempli de décombres de toute sorte. En les parcourant, on a été frappé de voir qu’on n’y trouve aucun de ces débris de tuiles ou de briques qui se rencontrent si souvent ailleurs. C’est ce qui a fait tout d’abord soupçonner que l’édifice ne devait pas être couvert, et l’examen de ce qui en reste a confirmé de tout point cette supposition. On arrive donc à conclure que l’intérieur du bâtiment ne consistait qu’en une vaste cour, une sorte d’atrium à ciel ouvert pour les réunions et les solennités militaires : l’habitation et les bureaux du général devaient donc être ailleurs. On les a cherchés dans les autres parties du camp, mais sans pouvoir les rencontrer. Ce qu’on y trouve, ce sont des monumens dont les débris laissent deviner la destination, des bases qui portaient des statues consacrées aux empereurs ou à leur famille, les thermes destinés aux légionnaires, qui occupent un espace très considérable, surtout des salles où se réunissaient les associations d’officiers ou de sous-officiers qui s’étaient formées en