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cavalerie, « avec une troupe de Maures que les courses et le brigandage rendent très propres à la guerre. » Ce numerus Maurorum devait, être une réunion de soldats irréguliers, qui représentaient assez bien ce qu’on appelle aujourd’hui « les goums ». Les Romains en avaient donc comme nous, et comme nous ils les recrutaient parmi ces gens d’aventure qui s’étaient fait la main dans leurs querelles intérieures, en pillant sans merci les tribus voisines. Nous voyons qu’ils leur laissaient leurs chefs nationaux. L’un d’eux, qui s’appelait Lusius Quietus, parvint, à force de courage et de talent, à se faire une grande renommée. Il venait de loin, s’il faut en croire Themistius, de ces pays de frontière, sur les limites du désert, qui reconnaissaient à peine l’autorité de Rome. Il leva parmi ses compatriotes un corps de cavalerie, avec lequel il se rendit si utile à Trajan, pendant la guerre des Daces, que l’empereur le nomma consul, et que plus tard, voulant laisser l’empire au plus digne, il songea, dit-on, un moment à le faire son successeur. On a cru retrouver, sur la colonne Trajane la représentation des cavaliers de Lusius. « On les voit, dit M. Cagnat, charger l’ennemi sur leurs petits chevaux, qu’ils montent sans selle et sans bride, à l’africaine. Ils ont pour tout vêtement une pièce d’étoffe enroulée autour du corps, de façon à former une sorte de tunique courte, attachée à chaque épaule par une agrafe et serrée à la taille : c’est le costume que les Arabes de la campagne portent encore aujourd’hui. Mais ce qui les caractérise surtout, ce sont les boucles de cheveux frisés qui retombent tout autour de leur tête[1]. Pour arme, ils n’ont qu’une lance, peut-être autrefois peinte sur le marbre de la colonne, aujourd’hui effacée, et un petit bouclier. Tels étaient assurément les « goumiers » que l’empire employait en Maurétanie. »


IV

Parmi les corps de troupes qui résidaient en Afrique, il y en a un qui nous intéresse plus que les autres : c’est la légion de Numidie, dont nous avons retrouvé le campement à Lambèse. Aucune autre, dans aucun pays du monde, n’a laissé d’elle des souvenirs aussi nombreux : les inscriptions, les monumens qui nous en restent nous permettent de suivre l’histoire non seulement de la légion elle-même, mais de l’armée romaine sous l’empire. Résumons aussi brièvement que possible ce qu’ils nous apprennent d’essentiel.

On sait qu’Auguste changea tout à fait les conditions du

  1. Strabon dit en effet que les Maures regardaient comme une parure de porter la barbe et les cheveux frisés.