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pas à M. Germain d’avoir refait la Famille Benoiton puisqu’il est convenu qu’une comédie de mœurs peut se recommencer tous les trente ans, ou même plus souvent, car aujourd’hui les mœurs vont vite. Je ne lui adresse aucune espèce de reproche. Il a écrit une comédie légère, amusante et d’une gaîté hon enfant. Bien secondé par quelques-uns de ses interprètes, MM. Maugé, Noblet, Torin, il a ramené vers le Gymnase le public, qui en oubliait le chemin. Je regrette seulement qu’ayant de la verve et de l’esprit, il n’ait pas montré par surcroît un peu plus de hardiesse et d’originalité.


Dans cette période difficile que traverse l’art dramatique, M. Maurice Barrès lui apportera-t-il le secours de son rare talent ? L’auteur de Une journée parlementaire adoptera-t-il définitivement le théâtre pour y exprimer ses idées ? Nous en sommes réduits à le souhaiter sans oser encore l’espérer. Lui-même M. Barrès n’est pas fixé sur ce point. Il nous confie ses incertitudes. « Je suis hésitant, » écrit-il. Fâcheuse hésitation ! si, comme c’est l’avis de M. Barrès, pour une fois qu’il a essayé du théâtre, il y a fait tout de suite un chef-d’œuvre. Dans un bulletin de victoire rédigé quelques jours après les représentations de sa pièce, M. Barrès constate « l’incroyable sympathie » qu’elle rencontra dans le public, et le « magnifique enthousiasme » de ceux qui assistèrent à ces « soirées triomphales ». Il gourmande sévèrement ceux qui ne penseraient pas de son œuvre ce que lui-même en pense. Il se recommande aussi de l’autorité de M. Alphonse Daudet, qui lui témoigna dans cette circonstance bien de « l’estime littéraire ». Et bien sûr il est trop intelligent pour ignorer que cet étalage de témoignages de satisfaction et de bonnes références ne va jamais sans un peu d’ingénuité. Mais c’est qu’il a voulu confondre la mauvaise foi des critiques. Ceux-ci, par rancune et parce qu’ils avaient tous plus ou moins émargé au Panama, ont essayé d’étouffer le retentissement de sa pièce. Ils se sont sous de vains prétextes refusés à la juger. Obstinément ils se sont placés au point de vue politique. Ils ont fait remarquer qu’il était d’un goût douteux de remuer de récens souvenirs et de mettre à la scène, fût-ce sous des pseudonymes, des personnes vivantes dont tout le monde sait les vrais noms, les vraies hontes, et les douleurs vraies. Ils ont plaint l’auteur, qui n’a vu dans des scandales publics et privés qu’un moyen de réclame, comme jadis, dans une triste affaire, qu’un moyen de lancer une petite Revue : les Taches d’encre. M. Barrès | aimerait mieux qu’on se plaçât à un autre point de vue. Il préfère qu’il ne soit, à propos de sa pièce, question que de littérature. C’est bien de quoi nous nous occuperons uniquement.

Un député, politicien de marque, et en passe de devenir ministre, est convaincu d’avoir trafiqué de son vote. Il va être acculé au suicide.