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un auditoire ; la tâche n’était pas facile. Si Charcot réussit, c’est qu’il fit un enseignement qu’on ne trouvait nulle part ailleurs et qui valait bien le voyage. Il ne s’agissait pas d’improvisations banales : muni des documens que nous l’avons vu recueillir avec tant de soins, il préparait longuement, pendant toute une année, les huit ou dix leçons qu’il donnait. Ces leçons n’étaient pas seulement un exposé de l’état actuel de la question, mais on y trouvait toujours des faits nouveaux : aussi furent-elles fréquentées par un public d’élite composé d’anciens internes d’hôpitaux, de candidats aux concours des hôpitaux et de la Faculté. Bien avant que cet enseignement fût devenu officiel, l’affluence des auditeurs qui se comptaient par centaines avait nécessité la concession de salles plus grandes, qui l’année suivante devenaient insuffisantes. Chaque année le nombre des médecins étrangers augmentait ; la réputation du maître s’étendait chaque jour, et on venait de toute l’Europe et du Nouveau Monde.

L’enseignement a porté tout d’abord sur les maladies chroniques, sur la pneumonie des vieillards, le rhumatisme chronique, la goutte, etc. Ce n’est que plus tard qu’il s’adonna plus particulièrement à l’étude des maladies du système nerveux.

Lorsqu’en 1872 il obtint la chaire d’anatomie pathologique à la Faculté de médecine, on a pu voir que le spécialiste n’avait pas cessé d’être médecin ; et le public d’élite qui l’applaudissait à la Salpêtrière, il le retrouva à l’école. C’est qu’il y avait apporté ses qualités de savant et de professeur. Dans son enseignement à l’École de médecine, l’étude des localisations fonctionnelles dans la moelle épinière et dans le cerveau ont tenu une place importante. Mais il n’était pas moins suivi lorsqu’il traitait des maladies chroniques du poumon et de la phtisie pulmonaire, des maladies du rein et des conditions pathogéniques de l’albuminerie, des maladies du foie et des fièvres pseudo-intermittentes, etc. Toutes ces questions étaient élucidées à l’aide des documens les plus récens, publiés tant en France qu’à l’étranger, auxquels venaient s’ajouter les résultats des recherches expérimentales ou anatomiques pratiquées sous sa direction, tant au laboratoire de la Salpêtrière qu’à celui de la Faculté.

On peut bien penser que Charcot n’a pas dit le dernier mot de la science sur toutes ces questions : déjà plusieurs des opinions qu’il exprimait n’ont plus cours ; mais bon nombre des travaux qui sont venus nous éclairer d’un jour nouveau ont eu leur origine dans son enseignement, qui excitait les recherches, et provoquait le contrôle des faits insuffisamment connus. Ce qui a fait le succès de l’enseignement de Charcot dans la chaire d’anatomie pathologique, ce n’est pas seulement sa vaste érudition qui lui