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bourgeoise (année de location) n’ont changé qu’une fois de domicile ; qui, pendant la dernière année, n’ont reçu, ni eux-mêmes, ni leurs femmes ou enfans mineurs, aucun secours d’une commune ou d’une société de bienfaisance. » Suivent les exceptions d’indignité, puis, conditions non moins indispensables que les précédentes : « Seront électeurs ceux qui, pour la dernière année d’exercice des impôts directs, ont acquitté leur taxe en capital et centimes additionnels[1] ; ceux qui, par une demande, signée d’eux, d’être compris sur les listes électorales, ont fait la preuve qu’ils savent lire et écrire. » Ainsi, conditions de bien-être social : pourvoir à son entretien et à celui de sa famille ; n’avoir pas changé de domicile depuis trois mois ou n’en avoir changé qu’une fois depuis un an ; ne pas avoir, depuis un an, reçu de secours d’une commune ou d’une association charitable ; avoir payé sa quote-part des contributions directes ; et, condition de capacité, savoir lire et écrire et le prouver en signant sa demande d’inscription.

Inutile de le contester : le projet de M. Tak van Poorlvliet est parfaitement conforme au vœu, au commandement de la constitution, mais il n’est pas le seul qui puisse lui être conforme : le texte de l’article 80 est à la fois impératif et vague ; il indique avec précision ceux qui ne seront pas électeurs, mais sans nulle précision ceux qui le seront ; rien dans ce texte n’empêcherait de prendre un autre signe de la capacité, une autre mesure du bien-être social, et, par exemple, l’article 80 ne dit pas qu’il y aura un cens électoral, mais il ne dit pas qu’il n’y en aura point. La marge est belle encore pour l’interprétation. Aussi, quelle mêlée d’amendemens et de contre-projets et comme tous les partis, toutes les fractions de partis se sont précipités à l’assaut ou à la défense de la loi ! C’est que le texte, le signe et la mesure ont, dans l’espèce, une importance capitale. La question ne se pose pas entre deux rédactions au résumé indifférentes ; elle se pose entre le suffrage assez restreint et le suffrage quasi universel. Et c’est pourquoi les eaux tranquilles se troublent et pourquoi la vie politique des Pays-Bas est remuée en ses profondeurs. Toutes sortes de choses montent et se découvrent, que le calme accoutumé cachait à la vue du passant. Il faut que, de temps en temps, une grosse pierre y soit jetée pour que l’étang moutonne, qu’il ait de petits flots et pour que l’on se rende compte que les ministères n’ont pas seulement à voguer, les ailes gonflées et immobiles, sur le miroir uni du Parlement, comme les grands cygnes sur le Vivier.

  1. Quelle que soit, cette taxe et sans exclusion de ceux qui ne figureraient pas un rôle des contributions directes.