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pour une population à peine augmentée de 120 000 âmes, 292 545 électeurs, soit un rapport de 0,49 pour 100. Mais les articles additionnels du 6 novembre 1887 n’allaient pas aussi loin que permettait d’aller le texte du nouvel article 80 ; ce n’était qu’une halte à mi-chemin et l’on sentait bien que le règlement électoral, adopté comme expédient, qui dispensait de faire trop précipitamment la loi, ne dispenserait pas de la faire un jour.

Il dépendait de la politique de hâter ou de retarder le pas dont on parcourrait le reste de l’étape. Le ministère Heemskerk avait fait place au ministère Mackay, qui avait d’autres préoccupations. Chaque parti, en réclamant la révision de la loi fondamentale, obéissait à des motifs qui lui étaient propres, avait en vue des objets différens. La gauche semblait penser surtout à modifier l’article 70 de l’ancienne Constitution sur le droit de suffrage, et la droite l’ancien article 194 sur l’organisation de l’enseignement. Homme de droite, le baron Mackay, une fois arrivé aux affaires, présenta d’abord un projet de loi scolaire qu’il fit voter, puis un projet de loi militaire, qui ne put pas aboutir. Vinrent les élections de 1891, et le cabinet dut se retirer.

On sait comment s’en vont les ministères, en Hollande, et quel est, si l’on peut ainsi dire, le mécanisme des crises ministérielles. La Chambre est élue pour quatre ans et, sauf le cas de dissolution, la date normale des élections est au mois de juin de la quatrième année. La session ordinaire s’ouvre constitutionnellement le troisième mardi de septembre[1]. Entre les élections et la rentrée, le cabinet fait ses pointages. S’il n’a pas la majorité, une majorité suffisante, il n’attend pas qu’on lui signifie son congé. Il laisse la nouvelle Chambre se placer en face d’un ministère nouveau, et, de la sorte, on amortit la chute, on évite bien des froissemens et l’on épargne bien des rancunes. Ce n’est pas tel ou tel adversaire du cabinet qui le renverse, ni même tel ou tel parti, c’est la foule anonyme des électeurs. Maintenant, il est clair que le système, pour fonctionner, exige des partis solides et des opinions tranchées et que l’existence d’un groupe flottant d’opportunistes irrésolus, tantôt favorables et tantôt hostiles, pourrait suffire à le fausser. Mais l’opportunisme n’est guère dans le tempérament néerlandais. Il y a une droite et une gauche, plusieurs droites et plusieurs gauches, mais on y est de droite ou de gauche. Non, sans doute, que les Pays-Bas soient affranchis de toutes les petites misères et ignorent toutes les petites combinaisons qui sont de l’essence même du régime parlementaire ; non pas que, sur cette

  1. Loi fondamentale de 1887, art. 100.