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son irritation ; car les événemens avaient tourné contrairement à ses prévisions. Ferdinand, tout en imposant à Charles de Gonzague quelques conditions un peu dures, lui accordait la plus grande partie de la succession du dernier duc de Mantoue. Avec les électeurs catholiques il se montrait encore plus conciliant. Il leur concédait tout ce qu’ils avaient demandé. Il renonçait, pour le moment, à l’élection de son fils comme roi des Romains, renvoyait Wallenstein, licenciait ses troupes, ne gardait d’autres forces militaires que l’armée de la ligue catholique et la plaçait sous le commandement de Tilly, c’est-à-dire sous l’autorité de l’électeur de Bavière, Maximilien. La rupture entre la ligue catholique et l’empereur, entre la maison de Wittelsbach et la maison de Habsbourg était évitée ou tout au moins ajournée. De là peut-être l’irritation de Richelieu, qui avait fondé sur cette rupture de grandes espérances politiques et qui comptait devenir l’arbitre des affaires de l’Allemagne en maintenant l’équilibre entre la ligue catholique et la ligue protestante, entre Maximilien de Bavière et Gustave Adolphe. Dans cette hypothèse, Richelieu n’aurait pas joué la comédie en se montrant mécontent ; il aurait seulement cherché à donner le change sur l’origine de sa mauvaise humeur.

Quoiqu’il en soit, le cardinal, qui avait parlé d’infliger un châtiment exemplaire aux deux négociateurs, se contenta de les désavouer. Ils ne furent ni enfermés à la Bastille, ni exilés, ni même disgraciés. On dit bien qu’il épargna Brulart, uniquement par égard pour le Père Joseph et pour n’être pas obligé de faire partager à ce dernier la disgrâce qui aurait frappé l’autre plénipotentiaire. Mais pourquoi aurait-il ménagé le capucin, s’il avait cru avoir sérieusement à se plaindre de lui ? Il n’était pas dans ses habitudes de se montrer indulgent pour ceux qui l’avaient mal servi. Or, le Père Joseph, à son retour de Ratisbonne, trouve le cardinal plus confiant que jamais à son égard. Son crédit ne fait qu’augmenter depuis que son traité a été désavoué. Jusqu’alors il n’a été qu’un conseiller secret, dans une situation équivoque, négociateur sans titre régulier, sans pouvoirs nettement définis. Maintenant sa collaboration est avouée, son rôle est officiel. Il est chargé de diriger une partie des affaires extérieures. Et quelles affaires ? Précisément celles d’Allemagne. On agrandit son rôle sur le terrain où il est censé avoir échoué. Bientôt on va lui donner entrée dans le conseil et enfin, deux ans après, on demandera pour lui à la cour de Rome un chapeau de cardinal.

Après le désaveu du traité de Ratisbonne, la reine mère et son entourage, qui avaient compté sur la fin de la lutte avec la maison d’Autriche et qui se trouvaient déçus dans leurs espérances,