Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 122.djvu/311

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

érudition, la vaste culture de son esprit, son mérite d’écrivain, — il maniait avec autant d’aisance et de délicatesse le vers que la prose, — tout semblait le désigner pour entreprendre cette publication devant laquelle avait reculé son père. De pressantes démarches furent faites auprès de lui, non seulement par des éditeurs, mais par des hommes d’étude et de science qui, connaissant l’existence des Mémoires de Barras, déploraient de voir soustraite aux investigations des historiens une si abondante source de renseignemens. Mais en livrant à la publicité un ouvrage où le parti pris de dénigrement contre Napoléon se montre presque à chaque page, on pouvait craindre alors de provoquer de vives et fâcheuses représailles contre la mémoire de Barras, — dont M. Hortonsius de Saint-Albin, comme son père, avait été l’ami[1], — et contre celle de M. Rousselin même, dont le rôle politique pendant la période révolutionnaire avait été, ainsi qu’on l’a vu, l’objet d’appréciations très diverses. M. H. de Saint-Albin ne crut donc pas devoir mettre au jour les Mémoires ; il se contenta d’en communiquer à la Revue du XIXe siècle de M. Arsène Houssaye un court fragment sur le 9 Thermidor, qu’il inséra ensuite dans un volume intitulé Documens relatifs à la Révolution française[2]. Ce fragment, seule partie des Mémoires de Barras qui ait vu le jour jusqu’à présent, est d’ailleurs inexact et incomplet. En le comparant au texte authentique, j’ai constaté des altérations : « Couthon était tombé sous une balle, » par exemple, au lieu de « était caché sous une table, » qui se trouve dans le manuscrit original. Sept pages fort intéressantes sur l’exécution et l’inhumation de Robespierre ont été supprimées. Un passage d’une trentaine de lignes, qui ne figure pas dans les Mémoires, a été au contraire intercalé dans l’extrait. Une curieuse note autographe sur la mort de Robespierre, écrite au crayon par Prieur de la Côte-d’Or, en marge du manuscrit que M. Rousselin de Saint-Albin lui avait communiqué, ne figure pas dans le fragment publié. Cette note, qui rectifie sur un point, et sur un seul point de détail, le récit consacré dans les Mémoires au 9 Thermidor, méritait assurément d’être reproduite, n’eût-elle d’autre intérêt que de prouver l’adhésion presque sans réserve

  1. La famille de Saint-Albin était même alliée à Barras, par le mariage en premières noces de M. Rousselin de Saint-Albin avec une deeoisolle de Montpezat, parente de Barras.
  2. Paris, Dentu, 1873. Le volume contient en outre d’intéressans extraits d’œuvres de M. Rousselin de Saint-Albin, sur Hoche, Championnet, Kléber, Malet, Danton et Dugommier. Quelques-unes de ces œuvres, l’histoire de Kléber et celle de Danton en particulier, sont encore inédites. Le fragment incomplet et inexact des Mémoires de Barras relatif au 9 Thermidor a été reproduit par M. de Lescure dans le premier volume des Mémoires sur les journées révolutionnaires, de 1789 à 1799. (Bibliothèque des Mémoires relatifs à l’histoire de France pendant le XVIIIe siècle ; Paris, F. Didot, 1875.)