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Maxime Du Camp fut un homme d’action en même temps qu’un littérateur. Il aima posséder la vie sous ses aspects divers et son activité prit des formes multiples.

Après s’être tout d’abord occupé de peinture, il fit en Orient deux grands et longs voyages, le premier en 1814, au cours duquel il visita la Turquie, la Grèce et l’Algérie ; le second en 1850, avec Gustave Flaubert, consacré à l’Egypte, à la Nubie, à la Palestine. Les récits qu’il en publia commencèrent sa réputation. Dans l’intervalle, en 1848, officier dans la garde mobile, blessé aux journées de Juin, il avait été décoré par le général Cavaignac. Douze ans plus tard, il se préparait à partir pour une insurrection hongroise que le traité de Villafranca empêcha d’éclater, et, déçu de ce côté, il s’engageait comme volontaire dans le bataillon des Mille, que commandait Garibaldi, dont il raconta la campagne légendaire. Voilà la part du soldat, de l’explorateur, du héros de roman, de roman d’aventures même, qui était en Maxime Du Camp, amoureux des grandes luttes, des choses périlleuses, cherchant une cause rare à qui se donner, une noble raison de vivre. L’homme de lettres qui était au fond de son âme vint la lui fournir. Il se fit l’historiographe de ce Paris contemporain, qui n’avait pas encore d’histoire. Il l’écouta vivre et nous dit comment il vivait. La Revue a eu la primeur de ces chapitres pleins de charmes, où le document discrètement introduit, après avoir été trituré et exprimé, n’enlevait rien à la saveur du style, piquant, alerte. C’étaient encore là des récits de voyage, à travers la structure intime, parmi les organes les plus ignorés, les moins décrits, de cette capitale si attachante dont M. Du Camp, après François Ier, avec nous tous, disait qu’elle « n’est pas une ville, mais un monde. » Les Convulsions de Paris, minutieuse et courageuse anatomie de la Commune, suivirent cette œuvre et valurent à son auteur le fauteuil de M. Saint-René Taillandier, à l’Académie française. Ce fut là qu’il vieillit, prenant part aux travaux d’une compagnie qu’il avait, comme tant d’autres, doucement raillée dans sa jeunesse. Avec les années, la tristesse était venue assombrir le front de Maxime Du Camp ; tristesse nullement morose, mais riche de conseils dont nous avons ici reçu la confidence attachante, dans des articles pour ainsi dire testamentaires, que l’auteur réunissait l’an dernier en volume sous ce titre mélancolique : Crépuscule, propos du soir.


Vte G. D’AVENEL.

Le Directeur-gérant, F. BRUNETIERE. ZOE