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Les finances publiques de l’Allemagne reposèrent à l’origine sur cette base très simple : que les douanes et les impôts indirects constitueraient les recettes de l’empire, et que les impôts directs demeureraient la propriété des États particuliers. Seulement à ce principe on a fait depuis vingt-trois ans une double dérogation ; si bien qu’aujourd’hui l’empire reçoit des États confédérés, à titre de « contributions matriculaires », une somme qui varie pour chacun d’eux au prorata de sa population, et qu’il donne de son côté à chacun des États, en vertu de la loi Franckenstein, vieille maintenant de quatorze ans, une « allocation » qu’il prélève sur les revenus impériaux.

Si bien que les États et l’empire sont en compte pour des versemens réciproques qu’ils se font annuellement, et dont les premiers se procurent le montant par l’impôt direct, et le second par les contributions indirectes. Cette singulière complication n’a pu avoir pour cause le déficit chronique et croissant des budgets d’empire, puisque, non-seulement l’empire rendait aux États autant qu’il recevait d’eux, mais que même il était entendu qu’il devait leur donner davantage, ce qu’il a fait du reste jusqu’à ces dernières années. Les rôles aujourd’hui sont renversés ; les contributions matriculaires monteront, d’après le projet de budget de 1894, à 500 millions environ ; les États verseront plus qu’ils ne toucheront de la trésorerie impériale. Désireuse de leur continuer ses bienfaits, jusqu’à concurrence de 40 millions environ par an, cette trésorerie, représentée par le comte de Posadowski, sollicitait du Reichstag le vote desdits 40 millions que l’on eût extraits de la poche des contribuables allemands, en même temps que 60 autres millions, destinés à faire face aux dépenses prévues par la nouvelle loi militaire.

Pour se procurer cette somme globale de 100 millions de francs, M. Miquel, qui avait frappé à plusieurs portes et tâté beaucoup de terrains, — la bière, l’alcool, les annonces, les opérations de bourse, la taxe militaire, — tous naturellement aussi réfractaires que possible, avait fini par jeter son dévolu sur le tabac, le timbre et les vins. Le ministre des finances de Prusse a vainement fait observer au Parlement que la nécessité d’augmenter les recettes était reconnue par tout le monde, que les nouveaux traités de commerce causeraient une diminution de 35 millions dans le revenu des douanes ; que, d’autre part, personne n’avait fait de contre-propositions pratiques et que tous les impôts dont on avait parlé paraissaient inopportuns. Vainement le ministre s’est attaché à réfuter la croyance que l’on pourrait, à l’aide d’économies, rétablir l’équilibre du budget. « Dans tous les grands États, a dit M. Miquel, les dépenses croissent plus rapidement que les recettes… »


Et la chose, à l’ouïr, parut claire en effet.


Cependant le Parlement a résisté ; les droits sur le tabac, le timbre