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environ, et les amis du ministère déclaraient que l’on dépasserait le chiffre porté au budget. Or il s’en faut d’un cinquième — environ 3 600 000 francs — que la somme prévue ne soit atteinte. Le ministre avait pris en bloc la fortune du pays, et l’expérience montre qu’elle est beaucoup plus morcelée qu’on ne l’avait pensé, et que plusieurs qu’on croyait riches ne possèdent pas le minimum de 13 000 florins assujetti à l’impôt.

De même l’impôt sur les professions, établi à Amsterdam et à Rotterdam par les municipalités, a prouvé que les familles aisées formaient le très petit nombre, et qu’il est difficile, pour ne pas dire impossible, de leur faire supporter toutes les charges. Ce sont là des leçons dont on fera bien de profiter aussi ailleurs qu’en Hollande. D’autres changemens que l’on a fait subir aux impôts directs et indirects ont, eux aussi, donné lieu à des mécomptes ; si bien que le gouvernement, qui n’avait pas exactement calculé la portée que devait avoir sur son budget la réduction des droits d’accise, se trouve, tout compensé, en présence d’un déficit de 10 millions et demi.

Les députés de la seconde Chambre, qui se sont réunis à la Haye le 13 février, ont devant eux une situation assez difficile, d’autant que le ministre des finances, nullement découragé par son mauvais succès de cette année, entend poursuivre l’élaboration de ses réformes. Il veut opérer une réduction d’impôts en faveur des habitans de maisons d’un loyer modeste, réduction calculée d’après le nombre des enfans et qui, dans certains cas, pourrait s’élever jusqu’à 60 pour 100. Pour combler le déficit qui en résultera dans les caisses publiques, le gouvernement réclame une augmentation des droits de succession sur les héritages, qui seraient augmentés d’un dixième en ligne directe et d’un quart en ligne collatérale.

L’ensemble des mesures prises jusqu’ici ne semble malheureusement pas produire un bon résultat. Déjà, dans certaines villes ouvrières, des charges écrasantes pèsent sur les contribuables, dont le nombre est de plus en plus restreint. En Frise, beaucoup de propriétés sont tombées à vil prix. Chaque cité étant libre de choisir sa base d’impôts, les fortunes émigrent là où le revenu n’est pas frappé.

L’Allemagne, qui n’a pas diminué ses impôts, mais qui a augmenté ses dépenses, se trouve à son tour occupée à chercher les moyens de créer de nouvelles recettes. C’est à cette besogne rebutante que le Reichstag est demeuré attelé durant ces dernières semaines. On se rappelle qu’au mois de décembre M. de Caprivi avait emporté, non sans peine, malgré les agrariens, le vote des traités de commerce avec l’Espagne, la Serbie et la Roumanie. Son collègue et rival… de gloire, M. Miquel, qui était au mois de janvier sur la sellette pour la réforme fiscale, a été moins heureux. Le système dont il était l’auteur, quoique présenté avec adresse, a été positivement mis en dénude.