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faucon. Il dit comment le cerf, charmé par le son des flûtes, se laisse approcher et tuer par les archers : tels, les hommes qui se plaisent au siècle et ne prennent pas garde aux engins du démon. Il raconte comment « un poisson de la nier, qui est appelé conque, vient chaque matin au rivage quand la rosée descend, déclôt son écaille pour recevoir cette douceur, puis se referme, et cette rosée nourrit la gemme nommée marguerite : ainsi devrions-nous chaque matin ouvrir les écailles de notre cœur et recevoir la parole de Dieu, comme une rosée qui forme la gemme de bonne vie. » Il sait aussi des contes à rire, le Vilain Mire, la Chienne qui pleure, ou l’histoire de la femme obstinée qui tombe à l’eau, et que son mari fait rechercher à la source de la rivière : car, par esprit de contradiction, elle a dû remonter le courant. Il sait encore de belles légendes pieuses, celle de l’Ange et de l’Ermite, illustrée par Zadig, celle de Satan veneur, qui chasse les âmes avec sept chiens ; et celle du moine qui, s’étant attardé une heure dans la forêt pour écouter un oiseau, ne reconnaît plus, quand il y rentre, les êtres de son couvent : un siècle s’est écoulé, tandis que l’oiseau chantait… Ainsi, ce recueil de Contes moralizés n’intéresse pas seulement l’histoire de la chaire, mais aussi celle de la symbolique sacrée et celle de la migration des contes populaires.

Enfin, pour ce qui concerne la forme la plus originale de notre, poésie religieuse, la Société a consacré au théâtre les six volumes du Mystère du Vieil Testament et du Mystère de saint Bernard de Menthon, les sept volumes des Miracles de Nostre Dame. Elle s’est arrêtée ici avec une complaisance peut-être excessive : il y a vraiment surabondance. Des publications nouvelles de mystères pourront révéler çà et là aux linguistes quelque expression rare ou pittoresque, à l’archéologue quelque détail curieux de mœurs provinciales ; elles n’apprendront plus grand’chose à l’historien de la littérature. Un mystère en vaut un autre ; qui en connaît deux ou trois les connaît tous. Certes, les commencemens de notre vieux théâtre appellent encore bien des recherches passionnantes et l’on doit souhaiter l’achèvement des études de M. Léon Gautier sur les tropes. Certes, rien de plus grandiose que la conception première de la dramaturgie chrétienne. Quand la foule des humides se pressait aux antiques drames, à peine dégagés de leur gangue liturgique ; quand elle entendait les prophètes du Christ, évoqués tour à tour, Isaïe, Balaam, Virgile, la Sibylle libyque, la Sibylle érythrée, annoncer la venue du Sauveur ; quand les Vierges sages, tremblantes d’une terreur mystique, guettaient, leurs lampes à la main, le passage de l’Epoux : quand les saintes femmes s’avançaient vers le tombeau et que l’ange, assis sur la pierre resplendissante, s’écriait : « Il est ressuscité ! » — on peut douter si de