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La religion a sa place marquée dans toute école anglaise[1]. Son domaine est établi, consacré et scrupuleusement respecté. Le mot d’Arnold est resté la devise des écoles anglaises : former des Christian gentlemen. Les exercices pieux sont généralement réduits au strict nécessaire, mais pas toujours. Partout la Bible est étudiée et commentée avec soin, et les maîtres veillent à ce que leurs élèves ne sortent pas de leurs mains sans s’être familiarisés avec l’Écriture. Les divers examens que peuvent passer les enfans à la sortie de l’école, les examens d’entrée aux Universités, par exemple, comportent une épreuve sur l’instruction religieuse.

Grâce à sa longue possession d’état, aux privilèges, aux bénéfices de toutes sortes qu’elle a conservés, surtout aussi parce qu’elle est la religion des classes élevées, la religion anglicane a gardé la haute main sur les public schools. La plupart des hommes qui sont parvenus à l’épiscopat dans l’Église anglicane au cours de ce siècle avaient commencé par être maîtres assistans, puis headmasters dans quelqu’une des grandes écoles. Aujourd’hui même, en vertu d’une loi qui n’est pas écrite, mais qui a presque toujours été observée, les headmasters des principales écoles sont choisis parmi les membres ecclésiastiques de l’enseignement, quoique ceux-ci soient en minorité[2]. On suppose sans doute que l’austérité du caractère religieux, le droit de parler au nom de la morale divine ajoutent encore à l’autorité que confèrent au headmaster ses hautes fonctions. Il y a cependant, depuis quelques années, une légère tendance à s’affranchir de cette tradition.

Tous ces clergymen appartiennent à l’Église établie, et l’on voit, de reste, quel puissant instrument d’influence la Church of England a entre les mains. Elle s’en sert : l’enseignement religieux est donné dans les formes habituelles de l’Église anglicane, et la tendance est plutôt favorable à la High Church, cette section de l’Église établie qui attache le plus d’importance aux formes extérieures du culte. D’autre part, les maîtres laïques n’osent pas se montrer, dans leur enseignement, aussi libéraux qu’ils seraient si le headmaster n’était pas, comme il est, un clergyman imbu des principes anglicans.

  1. Les écoles secondaires qui gardent la neutralité on matière de religion sont extrêmement rares, et ce sont des externats.
  2. En 1886, sur 607 maîtres enseignant dans 21 des principales écoles secondaires, 472 étaient des laïques, 135 des clergymen ; et sur les 21 headmasters de ces écoles, 19 étaient des clergymen et 2 seulement des laïques.
    (Cl. Dukes, op. laud., p. 27-28.)