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conversation) ; ce sont leurs parens et leurs maîtres qui sont timides pour eux[1]. » Le R. P. du Lac, recteur de Saint Mary’s College, à Cantorbéry[2], décrivant aux jeunes Français, ses élèves, toutes les beautés, tous les avantages du cricket, mais aussi les dangers, les accidens ajoute : « C’est de la nécessité de veiller attentivement pour éviter la boule ou pour la recevoir à propos, c’est de l’énergie dont il faut faire preuve contre le danger, que naît la force de caractère… — Alors pourquoi défendre le cricket ? — Précisément à cause de ce danger ; les parens seraient trop inquiets[3]. »

Pour que le jeu porte tous ses fruits, il faut savoir jouer ; pour que l’exercice physique soit bienfaisant, il faut qu’il soit réglé : discipline et entraînement sont affaire d’expérience ; mais pour gagner de l’expérience, il faut de la persévérance, de la ténacité ; il faut vouloir. Laissons la nature se développer à l’aise ; nos collégiens, nos jeunes gens rapprendront à vouloir, ils rapprendront la discipline librement consentie et l’effort prolongé sans danger de surmenage. Mais ils ont à rapprendre tout cela[4].


III

Assouplir, fortifier, endurcir l’animal : voilà pour l’éducation physique. Dans cet animal vigoureux, mettre un caractère bien trempé, une âme simple et forte, franche, loyale et indépendante :

  1. Hamerton, II, 42.
  2. On sait que cette maison d’éducation, ouverte en Angleterre après les décrets par les Jésuites français pour leurs élèves français, a été fermée récemment.
  3. France, p. 189.
  4. Le R. P. du Lac raconte une excursion en bateau qu’il fit avec ses élèves de Cantorbéry. Il y avait deux bateaux ; les élèves ramaient. On arriva au port de Sandwich. La marée baissait : une corde qui traversait le port au ras de l’eau attrape le pilote du premier bateau et le précipite par-dessus bord : « Naturellement tout le monde criait à la fois, de sorte que l’expérience du premier bateau ne put même profiter au second, et notre pilote, pris de même, fut aussi jeté à l’eau. Bonne leçon qui apprend à se taire et à obéir. » Des Anglais de l’âge des élèves du P. du Lac n’auraient plus eu besoin d’une pareille leçon : ils ne se la seraient certainement pas fait donner.
    Un amateur assiste à un match de football entre les élèves du lycée Hoche, à Trianon ; il se trouve qu’il a une grande expérience de l’Angleterre et de la France ; il a « passé, dans l’enseignement public, deux ans en France et trois ans en Angleterre » : « Si j’osais exprimer un vœu pour eux (les élèves du lycée Hoche), écrit-il, ce serait celui de voir, dans les parties, un peu moins de discussions et un peu plus de discipline. Les capitaines manquent un peu d’autorité sur leurs hommes. » Lettre au Journal des Débats, 15 avril 1891.