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l’esprit simpliste adopte-t-il si vite des croyances et des lignes de conduite ? C’est que, dans ce cerveau neuf et vierge, aucune voie n’est encore tracée ; rien ne résiste donc à l’impression qui arrive et s’ouvre une voie. Pourquoi encore un esprit simpliste abandonne-t-il si difficilement les croyances une fois adoptées ? C’est que, peu riche d’idées, il n’a rien ou presque rien qu’il puisse opposer à ces croyances. Il sera donc routinier ; il raisonnera toujours sur des cas particuliers ; il concevra peu de vérités générales, il aura peine à détacher les abstractions des cas concrets. On a souvent aussi opposé, sous ce rapport, l’enfant à l’homme, et même la masse des femmes, encore peu éclairée, à la masse des hommes, qui l’est davantage. Si les femmes sont, en général, plus promptes à tirer des conclusions et plus obstinées à garder leurs croyances, c’est que de longs siècles d’une culture inférieure ont laissé, en moyenne et dans l’ensemble, le cerveau féminin à un degré inférieur de complexité et de plasticité. Même contraste entre l’élite des hommes instruits et la foule ignorante, qui généralise précipitamment, puis s’obstine dans les conclusions tirées d’expériences incomplètes.

La constance dans le vouloir, quand elle est fondée sur des raisons, n’est plus entêtement, mais fermeté ; . C’est que, dans ce cas, la décision est la résultante non plus d’une passion ou idée isolée, mais de la synthèse des sentimens qui sont en rapport plus ou moins éloigné avec la décision à prendre. Dès lors, celle-ci ne peut plus trouver d’obstacle intérieur ; son effet se poursuit donc tant que l’expérience ou le raisonnement n’est pas venu apporter dans la question des élémens nouveaux.

On voit que, le degré de complexité cérébrale et le degré d’intelligence étant proportionnels, l’intelligence joue un rôle capital dans l’activité volontaire : ici encore, elle ne peut être reléguée parmi les facteurs de second ordre. Notre volonté et, par là même, notre caractère tient surtout aux rapports réciproques de nos inclinations, qui font que les unes sont plus intenses ou plus durables, les autres moins, et, en conséquence, que le système des forces intérieures aboutit à telle résultante générale ; or, l’intelligence modifie nos inclinations, leurs rapports, leur intensité et leur durée relatives : elle contribue ainsi, pour une large part, à l’évolution du caractère.

Ce qui fait ici illusion, c’est qu’on raisonne des inclinations de l’homme d’après celles des animaux, qui sont toutes innées, relativement in variables, et qui enfin demeurent aveugles en grande partie. la vie de l’animal apparaît ainsi comme un simple développement des instincts natifs, par conséquent du caractère