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REVUE MUSICALE

Théâtre de l’Opéra-Comique : le Flibustier, comédie lyrique en 3 actes ; paroles de M. Jean Richepin, musique de M. César Cui.

On a été correct et froid, poli seulement, pour l’œuvre de M. César Cui. La musique de ce général méritait mieux pourtant que le salut militaire. Il y a quelque chose là ; quelques choses même, au pluriel ; beaucoup de choses, et fort charmantes : peu d’éclat sans doute, de puissance et de variété, mais une sensibilité fine, une rare discrétion et la plus mélancolique douceur.

Il est à peine besoin de rappeler la donnée du Flibustier. La comédie maritime et bretonne de M. Richepin date de six ans au plus et se joue quelquefois encore au Théâtre-Français. M. Cui, s’en étant épris, l’a mise en musique avec autant de respect que d’amour, c’est-à-dire sans rien changer, ou presque rien, non seulement au sujet, mais au texte même. Il s’agit, on s’en souvient, d’un gars de Saint-Malo, d’un flibustier parti depuis quinze ans, et qui depuis huit ans n’a pas donné de ses nouvelles. Son grand-père Legoëz, un vieux marin, sa tante Marie-Anne et Janik, sa cousine, l’attendent encore ; ou plutôt le vieil tard seul continue d’attendre, car les deux femmes n’espèrent plus. Un jour que Marie-Anne était seule au logis, un étranger se présente et se nomme. Il s’appelle Jacquemin ; il fut le camarade de Pierre, dont il s’est vu séparé dans un combat contre les Espagnols, de Pierre qu’il croyait retrouver au pays, mais qui bien sûr est mort, puisqu’il n’est pas ici.

Sur ces entrefaites rentrent le grand-père et Janik. Ils prennent d’emblée cet inconnu pour leur petit-fils et cousin, et cela si vivement, avec une telle joie aussi, que le temps d’abord, puis le courage, manquent à Marie-Anne, de prévenir, puis de dissiper l’invraisemblable et