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laine, mais non des vêtemens de coton fraîchement lavés. Il peut toucher du grain humide. Même des serviteurs de caste brahmanique sont encombrés de règles. Quand ils se sont baignés et qu’ils ont endossé des vêtemens de laine, de chanvre ou de lin, ils sont purs, ils peuvent tout toucher. Ils deviennent impurs, s’ils touchent un objet impur tel qu’un matelas ou quelque partie d’habillement, un manteau ou un turban. S’ils touchent un soulier ou un morceau de cuir, il faut qu’ils se baignent. Un écolier, une fois son bain pris, est obligé de faire appel à un domestique, à un frère ou à une sœur plus jeune, pour tourner les pages de son livre relié en cuir. »


V

Nous confinons ici à une autre catégorie de faits. A côté des lois les plus générales qui gouvernent la caste, qui lui sont pour ainsi dire essentielles, en caractérisent et en maintiennent l’organisation, — les lois qui fixent les limites ouvertes et les barrières imposées au mariage, qui protègent l’hérédité de la profession, qui, en prévenant les mélanges trop aisés, sauvegardent chaque classe dans son isolement, dans son individualité, — règnent encore, dans chaque caste particulière, certaines prohibitions, certains usages, quelques-uns fort étendus, aucun universel. De leur nature, ils se rattachent, directement ou indirectement, à l’un ou l’autre de ces points de vue principaux. L’ensemble en constitue un petit code coutumier, dont la stricte observation est, dans le cercle où il prévaut, maintenu avec une rigueur intransigeante. Moins uni formes dans leur application, moins graves par leurs conséquences, ces règles n’en ont pas moins d’autorité. Elles concourent à marquer les diverses castes d’un trait individuel. Il convient d’en prendre au moins quelque notion.

Il est assez naturel, étant interdit de manger en commun, qu’il l’ait été de fumer ensemble au même houkha. Il est naturel aussi que cette prohibition ne soit pas mise sur le même plan que la première. Ainsi arrive-t-il, d’une part, que le mélange est, dans les deux cas, évité à l’égard des mêmes castes ou sous-castes, d’autre part que la tolérance est, dans le second cas, beaucoup plus ordinaire que dans le premier. Il suffira par exemple que le tuyau ne soit pas commun pour que l’usage du même fourneau paraisse acceptable, s’il est en métal. Cependant la crainte de cette souillure est bien vivante : dans certaines régions, pour éviter toute confusion fâcheuse, les pipes, étant souvent laissées dans les champs ou dans les lieux de réunion, sont munies au tuyau de