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des serviteurs domestiques. Dans beaucoup de villages le potier peut distribuer de l’eau atout le monde ; c’est du moins à la condition qu’un vase spécial soit réservé à chaque caste. Dans des repas communs de villages, toutes les castes se retrouvent ; encore chacune mange-t-elle séparément. Ces accommodemens mêmes prouvent la vitalité du principe. Il se rattache étroitement à des préoccupations de pureté extérieure.

C’est en vertu de scrupules similaires que les castes supérieures sont tenues d’éviter soigneusement le contact des castes inférieures, La profession de certaines castes est si méprisée qu’on ne leur permet même pas d’habiter l’intérieur des villages ; elles sont reléguées hors des agglomérations, en dépit de tous les services qu’elles leur rendent, soit comme gens de service, soit comme gens de métier. A plus forte raison sont-elles éliminées rigoureusement des repas communs où le village se rassemble. Il y a même des villages de brahmanes d’où toutes les autres castes sont rigoureusement consignées. Inutile d’ajouter que cette préoccupation n’est pas égale dans toutes les castes ; elle se manifeste diversement ; elle ne manque nulle part. Un proverbe panjabi déclare que, si un Bishnoï est monté sur un chameau suivi de vingt autres, et qu’un homme d’autre caste touche ; le dernier, il jettera aussitôt sa nourriture. On attendrait moins de façons chez des gens plus humbles. Et cependant M. Hunter raconte assez plaisamment une aventure qui lui fut personnelle. C’était en Orissa ; il avait recruté, pour porter son palanquin, des hommes de plusieurs castes. Non seulement les représentans de deux castes refusaient de s’associer pour opérer de compagnie, mais chaque fois qu’une caste relevait l’autre, il fallait que le palanquin eût été dûment posé sur le sol, avant que le nouveau relais y mît la main. Il n’est guère de famille hindoue qui, si elle le peut, ne consulte pas, dans les circonstances graves, les prédictions et les avis de l’astrologue ; eh bien ! malgré l’importance de son rôle, s’il doit entrer dans une maison, on a grand soin d’en enlever les nattes de crainte qu’elles ne soient polluées par son attouchement. L’impureté ne s’attache pas au seul contact de la personne, elle se communique par l’intermédiaire des objets.

De nouvelles distinctions viennent aggraver le cas. Un seul témoignage. Nous sommes dans un intérieur de brahmane Chitpâvan, à Poona : « Les règles très strictes en vertu desquelles certains objets peuvent être touchés, d’autres non, par un serviteur de classe moyenne ou çoûdra, compliquent tous les arrangemens. Un serviteur kounbi ne peut entrer dans l’oratoire, la cuisine, ni la salle à manger. Il peut toucher la literie et les vêtemens de