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La douce et voluptueuse montée vers le ciel, l’aide amicale, amoureuse que se prêtent les âmes, sont peintes avec un détail, une délicatesse adorable, dans l’esquisse toute rose qui, visiblement, fut faite pour charmer une femme (325, cabinet XII).


Cependant l’âge avance, et le désir subsiste, il augmente même, pouvant moins se satisfaire. La passion tyrannique, qui n’a d’obstacle qu’en soi, en la nature affaiblie, aime à se figurer que l’obstacle est dans l’objet désiré ; elle met durement la main dessus, elle lui dit : « Tu es à moi. » C’est ce qu’exprime d’une manière assez crue le berger déjà vieux, fatigué, qui passe familièrement la jambe sur le genou de la bergère qui refuse. Celle-ci est encore Hélène Fourment. Je crains que le vieux berger ne soit Rubens (298).

Elle refuse, c’est donc qu’elle aime ailleurs ; c’est qu’elle trahit… ô femme perfide !

Puis, elle se plaint qu’on se plaigne. Pauvre Rubens, pauvre Job ! (309 des cabinets).

Et Samson s’élançant du lit de Dalila ; Samson vieux, contre la Bible… Donc Samson est encore Rubens.

Eh bien ! vieux ou non, malheureux ou non, pendant qu’on verse son sang, il continuera d’enseigner son art, d’éclairer le monde. On peut lui ouvrir les veines, comme à Sénèque, il y a en lui de la vie pour tous (262).

Vieux d’années, soit… Mais il est jeune de sève et toujours fort ! Quel est, de tous ces beaux damoiseaux, celui qui pourrait comme lui combattre le lion, ou, comme ce sanglier terrible, défier la meute dévorante, la meute d’envieux, d’ennemis ?…

Vous ferez justice, Seigneur… Ces envieux, ces superbes qui méconnaissent le génie, cette tourbe d’hommes charnels qui n’ont jamais pu le comprendre, vous les précipiterez…

Et l’amour trahi !… Ah ! s’il y avait vraiment trahison, quelle torture serait assez atroce pour la coupable ?

Dans son petit Jugement dernier (272. cabinet XII). il en a imaginé une qui dépasse Dante de bien loin.

Mais si cela n’effraie pas assez un cœur corrompu, l’artiste en saura inventer d’autres : des chutes effroyables ; il creusera des abîmes de feu, des perspectives infinies dans les flammes éternelles. Les uns vont tomber sur les reins, les autres, juste dans la gueule du dragon. Deux sont chevauchés par un diable ; deux autres traînés ensemble par des chevaux, comme ils étaient au moment où la mort les surprit dans leur péché. Au bas, des animaux hideux, informes, s’acharnent sur des cadavres d’animaux ;