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vieux maîtres inconnus d’une vérité naïve qui semble s’être perdue avec eux. Il y a là un Christ recevant sa mère au ciel, tout ce qu’on peut imaginer de plus humain et de plus divin à la fois. — Enfin elle arrive !… heureuse, visiblement. Mais lui, quel bonheur immense il couve intérieurement ! Il est assis, je ne sais s’il la regarde : peut-être que, s’il la regardait, il oublierait qu’il est Dieu. se souviendrait trop qu’il est homme, s’élancerait dans les bras maternels…


VI. — MUNICH. — LES RUBENS.

Jeudi 6. — Par un bel orage qui réjouit tout le monde, — saint Ulrich vient enfin de donner la pluie, — je prends le chemin de fer pour Munich. Il est heureux qu’il existe. Jamais je n’ai vu pays si mélancolique. La pluie, la lumière décroissante, — il est sept heures du soir, — y contribuent sans doute ; il n’est pas moins vrai que sur ce vaste plateau, tout est réellement médiocre : nul accident de terrain, nul intérêt, de culture, et dans plusieurs endroits, singulièrement pauvre. Des tourbières, plusieurs en feu. On arrive à la grande ville par un désert.

Il y a un pénible contraste entre le luxe récent de Munich, son Versailles impuissant, abandonné : Schleissheim, et cette pauvre campagne, ces orges maigres, ces pins jetés au hasard, ces paysans sans bas ni souliers, sous ce rude climat.

Depuis le Maximilien de la guerre de Trente ans, il y a ici un dur et cruel orgueil, une prétention ambitieuse exagérée, qu’ex prime bien son buste en bronze : un politique, un penseur, un guerrier, oui ; mais ni cœur, ni âme, comme les généraux de cette époque. Dans un autre portrait qui est à la Pinacothèque, celui-ci peint, il est sec, fin et dur, à effrayer.

Pour s’en tenir au présent, je ne rencontre pas ici les bonnes physionomies qui m’ont frappé, touché. Dans le monde des professeurs, peu de bienveillance ! . Avec cela, une prétention à l’indépendance qui n’est nullement justifiée, Gœrres, Thiersch et d’autres, nous souhaitent leurs universités allemandes ; ils déplorent la servilité des nôtres, surtout pour la philosophie. Il m’est facile de leur prouver qu’ils se trompent lorsqu’ils croient que, pour renouveler les études en France, il suffirait d’envoyer les élèves de notre École Normale en Allemagne. La chose était arrangée avec M. de Vatimesnil, elle se fût faite si le ministère Martignac eût duré. À la servilité dont ils nous accusent, je leur oppose la liberté absolue, chez nous, dans le haut enseignement.

Hélas ! qu’est devenu le beau Gœrres, a guisa de leone quando