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cette alliance… Ce ne fut qu’après de longues représentations que le prince de Bismarck réussit à obtenir son adhésion. »

En se rendant de sa personne à Vienne, que se proposait donc M. de Bismarck, lui qui n’admettait plus, depuis que la fortune l’avait comblé de ses faveurs, d’autre terrain de négociations que celui de Berlin ? Il y arrivait avec l’intention de se concerter avec le cabinet autrichien, il en avait annoncé, par le télégraphe, le désir au comte Andrassy. En admettant que le ministre de l’empereur François-Joseph ait été l’initiateur de la proposition, qui la lui a suggérée, qui d’ailleurs l’a imposée à l’empereur d’Allemagne ? N’est-ce pas son chancelier, de l’aveu de M. Blum. c’est-à-dire de M. de Bismarck même ? Faut-il attribuer, comme son historien semble l’insinuer, l’état d’esprit du chancelier en cette occasion « à l’excitation nerveuse considérable que produit toujours l’usage des eaux de Gastein » ? C’est faire dépendre de grandes choses d’une bien misérable circonstance. On comprend que M. de Bismarck ne néglige rien pour se dégager d’une compromission qui nuira certainement à sa gloire, mais comment ne serait-on pas surpris en le voyant recourir, dans ce dessein, à de si petits moyens ? Il est accouru à Vienne pour y négocier l’union de l’Allemagne et de l’Autriche, et de cette initiative est née l’alliance des deux empires ; il en est donc l’auteur. Autrefois il aurait eu l’audace de l’avouer sans détours ; aujourd’hui, sentant chaque jour davantage le poids de la responsabilité qu’il a assumée, il essaye de se dérober. Un pareil effort n’est pas digne de lui. Quel était au surplus, à ce moment, le principal objet de ses préoccupations ? Contre quel adversaire voulait-il armer et couvrir l’empire germanique ? Contre la Russie autant que contre la France. Il avait mortellement blessé la première de ces deux puissances au congrès de Berlin ; il ne pouvait se déguiser à lui-même que le mal resterait incurable, à moins de reconnaître ses torts, ce qui répugnait invinciblement à son excessif amour-propre. Aussi quel est. des deux agresseurs, celui qu’il se propose de maîtriser avant l’autre ? Est-ce la France ? Son nom n’est pas prononcé dans le traité d’alliance. La Russie, au contraire, y est nommée comme l’ennemi probable des deux contractais. « Si l’un des deux empires, stipule l’article premier, est attaqué par la Russie, ils se devront réciproquement le secours de la totalité de leurs forces militaires. »

Qu’avait cependant demandé l’empereur Alexandre à son oncle et à son obligé, l’empereur Guillaume ? Une entente entre leurs agens chargés en Turquie de l’exécution de certaines clauses du traité de Berlin, de façon que celui de la Russie. secondé par son collègue allemand, pût obtenir, sur les lieux,