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possession. Malheureusement une garantie collective, fondée sur un intérêt général, a, le plus souvent, échoué devant un acte de vigueur ou de témérité. Aucun des contractans ne consentit à conformer sa conduite à ses obligations. Quand on étudie les documens diplomatiques de cette époque, on demeure confondu devant l’empressement avec lequel les grands cabinets accueil laient les fallacieuses assurances que M. de Bismarck leur prodiguait sans cesse, malgré le démenti des événemens qui s’accomplissaient dans les duchés. Il sut apaiser les alarmes des uns, prévenir les susceptibilités des autres, invoquant tantôt l’honneur des armes engagées sur l’Elbe, tantôt les devoirs que la Prusse remplissait, à son grand regret, en sa qualité de puissance féodale et conservatrice, promettant, garantissant que rien ne s’accomplirait, à titre définitif, sans l’assentiment des autres cours. Jamais, à aucune autre époque de sa longue carrière, il n’a déployé une plus merveilleuse dextérité. Nous insistons, en passant, sur ce point, parce que son succès, en cette première rencontre diplomatique, a certainement raffermi, dans son esprit, la solidité de ses convictions et qu’il y a puisé la certitude de mener à bonne fin chacune de ses entreprises ultérieures. Ses patriotiques convoitises avaient désormais, pour soutien, une inébranlable confiance. Le souverain et le conseiller se persuadèrent que, grâce aux services rendus à la Russie durant l’insurrection de Pologne, les temps si désirés étaient enfin venus de revendiquer, pour la Prusse, l’autorité et la prépondérance qu’elle avait conquises sous le règne du grand Frédéric et que ses successeurs avaient si gravement compromises.

Cette fois, l’obstacle était à Vienne. La Prusse en effet ne pouvait prendre, en Allemagne, une position dominante que si elle en expulsait l’Autriche ; ce résultat ne pouvait être obtenu que par la force des armes ; ils résolurent d’y recourir. Pendant que le souverain répudiait, en toute occasion, une pareille extrémité, le ministre n’en faisait pas mystère ; l’un rassurait, de sa voix la plus douce, la cour impériale de Vienne, l’autre préparait l’opinion publique aux prochains événemens. Les rôles ainsi partagés, ils employèrent deux ans à remplir chacun sa tâche et, à la date qu’ils avaient fixée, le général de Moltke put conduire à la victoire les armées prussiennes. La caduque Confédération germanique fut dissoute, l’Autriche renfermée dans ses domaines héréditaires, et la Prusse agrandie mit sa lourde main sur toute l’Allemagne du Nord. Cette fois encore, l’Europe assista, inconsciente, aux succès militaires et diplomatiques de la maison des Hohenzollern.

On a prétendu que l’unité italienne devait fatalement engendrer l’unité germanique. Nous n’y contredirons pas absolument ;