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dromel, les combats et les Walkyries, tout ce qu’on appelait autrefois « le vin. le jeu, les belles ». Et le Walhalla, que j’allais oublier ! Vous n’imaginez pas l’effet de ce mot sur les abonnés de l’Opéra, depuis qu’ils se sont familiarisés avec Brunnhilde et Wotan. Les loges, l’amphithéâtre, ne rêvent plus aujourd’hui d’autre paradis que le paradis d’Odin. — Combien de temps cela durera-t-il ? « Qui m’emportera, comme soupirait sur les terrasses de Carthage, Salammbô, lasse elle aussi d’être barbare, qui m’emportera vers des dieux plus doux, des cieux plus clémens ? » Celui-là, que nous attendons, ne parait pas encore.

À propos de Gwendoline, on a, comme à propos de tout, parlé de Wagner. On a dit que par Wagner nous avions été initiés à M. Chabrier, par le maître au disciple, et que la Walkyrie éclairait Gwendoline. J’aurais plutôt peur qu’elle ne l’offusquât, si on établissait entre l’une et l’autre un parallèle qui serait un paradoxe.

Les œuvres wagnériennes et Gwendoline ne se ressemblent que par l’extérieur du sujet, par des analogies de poème, non de musique ; du librettiste et du compositeur, le premier seulement s’est ici souvenu de Tristan et du Vaisseau Fantôme. Quant aux quatre ou cinq pages qui dominent la partition, il sied, et nous n’y manquons pas, de les estimer, de les admirer même, mais pour ce qu’elles sont en réalité et non pour telles qu’on nous les donne.

La ballade du premier acte, chantée par Gwendoline, est belle. Elle l’est par l’idée mélodique, qui ne manque pas de couleur ; elle l’est encore et surtout par le rythme, dont d’éclat, la crânerie, l’entrain farouche et communicatif, rappellent un peu le chef-d’œuvre de M. Chabrier, España. Mais tout cela, malgré l’identité des situations, n’a pas le moindre rapport avec la ballade de Senta dans le Vaisseau Fantôme, et, pour exprimer deux rêveries au fond pareilles, faites toutes les deux de pitié féminine, d’amour et d’épouvante, il est difficile d’imaginer des formes musicales, des sonorités et des mouvemens plus divers.

Le long duo de la séduction ne doit rien non plus à Wagner, si ce n’est cette longueur même ; on y surprendrait plutôt, et sans peine, l’influence de Gounod, au moins dans l’épisode musical qui prime tous les autres : la cantilène d’Harald. Peut-être, soupire le barbare, à demi dompté déjà par les grâces coquettes de Gwendoline, et lui confessant qu’un jour, dans la mêlée sanglante, il a rêvé d’amour :


               Peut-être l’heure était venue
De prendre vers le beau Walhalla mon essor,
Et sur un cheval blanc m’apparut, dans la nue,
                La Walkyrie au casque d’or.

                En voyant sa beauté vermeille
Luire dans le soleil, tout mon cœur se troubla.
Et j’ai rêvé longtemps d’une femme pareille
                À la Vierge du Walhalla.


C’est l’accompagnement ici, qui porte la marque de Gounod ; c’est la