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Est-il besoin d’énumérer les profits qui en résultent : salaires importans pour nos ouvriers, utilisation des usines déjà construites, nécessité d’en élever d’autres, si ces opérations peuvent se multiplier et s’étendre ; d’où revenus assurés pour l’Etat, accroissement de la fortune publique dans toute la proportion de la plus-value donnée à ce produit brut par le travail incorporé, par la marque dont il a été revêtu ; plus-value qui est, dans l’ensemble, de 50 p. 100 sur le prix du produit brut importé ?

C’est dans ces conditions que, pour la première fois depuis soixante ans, le régime de l’entrepôt et celui de l’admission temporaire sont mis en question, non pour qu’il y soit apporté les améliorations dont ils sont certainement toujours susceptibles, mais au contraire pour qu’ils soient arrêtés dans leur développement, paralysés dans leur fonctionnement, ou pour mieux dire supprimés sur le territoire français, au seul avantage de nos concurrens étrangers.

La question est d’autant plus grave, que ces opérations d’entrepôt et de transformation de la marchandise étrangère sur notre territoire nous sont plus âprement disputées par nos rivaux qui les recherchent ardemment, et qui sont favorisés dans leurs efforts par les progrès constans, apportés par la législation des pays voisins.

On propose aujourd’hui de frapper d’une surtaxe de 3 fr. 60 par 100 kilos — dite surtaxe d’entrepôt — toute importation de blé et de farine par la frontière de terre et toute importation de ces mêmes denrées par voie de mer qui n’aura pas été faite en droiture des lieux d’origine. Rendre le fait de l’expédition du navire à ordre sur un port quelconque interruptif de l’importation en droiture, c’est mettre le marché français en dehors des conditions qui régissent aujourd’hui tous les marchés du monde entier. Les neuf dixièmes des navires expédiés des lieux d’origine, le sont sur les ports d’ordre, d’où le navire est dirigé soit sur le point où la cargaison a été vendue, soit sur celui où son propriétaire en espère le meilleur placement. Obliger désormais le négociant français à opérer en dehors de ces conditions générales, c’est le mettre dans un état d’infériorité tellement écrasante à l’égard de ses concurrens des autres pays, qu’il n’a plus qu’à renoncer à son commerce. Le négociant d’une autre nationalité pourra acheter ses denrées dans l’Inde, dans le Levant, dans tous les pays producteurs, pour les importer, sur un point déterminé, et il aura la faculté de modifier ses dispositions premières jusqu’au jour de l’arrivée du navire au port d’ordre suivant la convenance que lui offrira tel ou tel marché. Le négociant français, au contraire, sera dans l’impossibilité d’aviser suivant l’événement ; il devra expédier son