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un résidu qui à la sortie acquitte des droits réduits de 0 fr. 60 par 100 kilogrammes, et à ces issues on arriverait à mélanger une proportion plus ou moins élevée de farine ; ce serait autant de blé qui, indirectement, échapperait à l’action du droit de 5 francs et qui viendrait contribuer à neutraliser les effets du tarif protecteur. D’un autre côté, il a fallu recourir à des types et à des coefficiens pour déterminer, dans la farine exportée, l’équivalent du blé importé, et la précision absolue étant impossible en pareille matière, il se trouverait qu’une certaine marge subsisterait au profit des meuniers, et ceux-ci en abuseraient pour faire entrer dans la consommation une nouvelle quantité de blé indemne des droits.

Enfin les compagnies de chemins de fer sont à leur tour accusées de pactiser avec l’étranger et de faciliter, par l’établissement de tarifs de pénétration, l’invasion des céréales débarquées dans les ports.

Les fissures par lesquelles s’écoulent le sang, la force et la vie de la France ainsi explorées, il s’agit de les aveugler. On n’éprouve, pour atteindre ou plutôt pour rechercher ce résultat, que l’embarras du choix.

Les uns croient préférable de s’en tenir à la tradition ; saisissant d’une main vigoureuse l’arme la plus primitive dont dispose l’arsenal, si bien garni, de la protection, ils prétendent écraser l’ennemi d’un coup : ils demandent purement et simplement que le droit sur les blés soit doublé, qu’on le porte à 8 ou 10 francs. D’autres recourent à un procédé aussi peu original, mais plus savant : ils combinent l’élévation des droits avec une taxation variable et inversement proportionnelle aux cours intérieurs ; ces cours seraient déterminés par des mercuriales officielles ou des commissions instituées dans les villes ou marchés les plus importans.

A côté de cette vieille école, qui continue de poursuivre la réalisation de son programme en s’attaquant exclusivement à la concurrence étrangère, un parti nouveau vient de naître dont les tendances sont un peu différentes. Soucieux d’éviter le reproche de sacrifier le consommateur au producteur et désireux d’écarter tout danger de renchérissement, il renonce à majorer le taux des droits ; mais, en retour, il entend que le tarif actuel produise son plein effet, et, dans cette vue, il s’est donné pour mission de mettre fin aux prétendus abus et de couper court à toutes les prétendues fraudes.

Telle est, d’après une déclaration faite à la tribune tout récemment, la voie que le gouvernement semble disposé à suivre