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devrait être convaincu que les maux qui affligent le pays dérivent uniquement d’une présomption excessive de la puissance économique (della potenzialità) de la nation et d’une course trop rapide que L’Etat, s’ingérant en tout, a voulu entreprendre pour mettre d’un trait l’Italie au pair avec les autres puissances qui ont une vie séculaire… Si l’on pouvait, d’une manière violente et brutale, ramener sans tarder le budget des dépenses à ce qu’il était, il y a quinze ans, s’il se trouvait un ministère qui dît : Je veux cela et ne veux que cela, et une Chambre qui secondât cette résolution patriotique, il n’y aurait plus de problème financier à résoudre… Mais il n’apparaît nullement que des idées de cette nature puissent se faire jour dans un Cabinet présidé par M. Crispi. »

La Perseveranza tient un langage identique, quant au fond. Elle observe que le Cabinet est plus faible, — ou moins fort, — qu’il n’aurait pu être, puis elle dit : « Nous attendrons, mais nous voudrions bien attendre pour la dernière fois. Nous ne croyons pas seulement d’une extrême importance que le pays sorte d’une situation qui nous paraît plus que grave (oltre modo grave), mais encore d’une importance extrême qu’il en sorte rapidement. Toutes sortes de qualités sont requises pour l’en tirer ; il ne nous reste pour l’instant qu’à espérer que les hommes qui ont entre pris cette œuvre difficile, s’ils sont déjà connus, les aient acquises, — puisque aux précédentes épreuves il n’a pas paru qu’ils les eussent, — s’ils ne sont pas encore connus, qu’ils les possèdent sans que nous et d’autres le sachions. » La Gazzetta Piemontese, fidèle jusqu’au bout à M. Giolitti, se bornait à dire : « L’homme, encore que son choix pût être justifié par une de ces immanentes nécessités de la vie politique des peuples, — qui sont tant de fois illogiques, — n’a point paru à tout le monde le plus approprié aux circonstances. Nous nous sommes fait l’écho sincère de cette impression, en relevant, avec une pleine liberté, la contradiction entre l’homme et la situation, et le peu de logique des accidens qui confient la tache de réparation à l’homme même qui est en si grande partie responsable de l’état actuel des choses. » — Et la Gazette oppose au repentir de Dronero le repentir de Palerme. Le même mot de pentimento se retrouve encore dans un autre journal qui dit : « Le Crispi de 1893 doit être un Crispi repenti du Crispi de 1887. »

Quoi d’étonnant que le jugement le plus équitable ail été ; porté sur le ministère par un philosophe, par M. Bonghi ? combien il y a de sérénité dans ce jugement, et combien de certitude aussi, que le Crispi de 1894 ne saurait être le Crispi de 1887, on s’en rendra parfaitement compte, si l’on se souvient que c’est M. Bonghi lui-même qui renversa M. Crispi, en février 1891, par