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collègues sur tous les points d’un programme commun, M. Perazzi n’est pas du cabinet Crispi. De même, M. Crispi avait offert les affaires étrangères à une haute personnalité mondaine et romaine, le duc de Sermoneta, un Gaëtani, un arrière-neveu de Boniface VIII, qui fut syndic ou maire de Rome, qui l’était lors du Congrès de la Paix et qui, à ce titre, donna, dans son magnifique palais, une fête dont ses hôtes ont emporté le durable souvenir. La collaboration du duc Gaëtani eût marqué le Cabinet Crispi d’un cachet tout particulier de courtoisie internationale. Le duc s’excusant, M. Crispi s’est assuré des bons offices de M. le baron Blanc. De même encore pour la guerre. Le portefeuille en a été offert coup sur coup à trois généraux : au général Ricotti, au général Pedotti, au général Mocenni. Le général Ricotti — il s’en est expliqué lui-même à la fin de la crise — voulait 14 millions d’économies sur le budget de la guerre et réduisait de douze à dix le nombre des corps d’armée : autrement, il exigeait 20 millions d’augmentation de crédits. Le général Pedotti maintenait les douze corps, ne demandait pas de crédits nouveaux, mais ne consentait pas à des économies. Le général Mocenni ne demandait pas non plus d’augmentation, maintenait le nombre des corps d’armée, et consentait à des économies sur les services accessoires, au profit des services actifs ; il ne réduisait pas d’une unité les 246 millions portés au budget de la guerre, mais ne réclamait pas davantage. C’est au général Mocenni que M. Crispi s’est arrêté. Moins le titulaire des finances, le Cabinet était au complet : il n’y avait plus qu’à obtenir du roi son approbation et à prêter le serment de fidélité.

Ne s’agît-il que de la valeur et de la notoriété de ses membres, on ne saurait établir aucune comparaison entre le ministère ainsi formé et le ministère avorté de l’honorable M. Zanardelli. Il n’est pas jusqu’au plus jeune de ces ministres, jusqu’à celui qui est placé le moins en évidence par le portefeuille à lui dévolu. M. Maggiorino Ferraris, ministre des postes et télégraphes, qui n’ait donné de ses capacités des preuves dont on ne se souvient pas de la part des députés Gallo et di Blasio ou même du sénateur Inghilleri. Mais il y a autre chose. Le Cabinet Crispi a cette base parlementaire très large que M. Zanardelli avait tenté, sans y parvenir, de donner à sa combinaison. La gauche y est, en effet, représentée par trois ministres : MM. Crispi, Morin et Baccelli ; le centre par deux, MM. Sonnino et Ferraris ; la droite, par cinq, MM. Blanc, Calenda, Saracco, Mocenni, Boselli. Du premier ministère Crispi, il ne reste, dans le second, que M. Boselli, qui a passé de l’instruction publique à l’agriculture, — ces déclassemens ou classemens nouveaux se rencontrent ailleurs