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combien dureraient les heures de passion ? C’est apparemment sur quoi le roi n’a pas manqué de s’interroger et il a, tout d’abord, mandé M. Zanardelli, qui a aussitôt commencé ses démarches.

Alors, on a vu clairement qu’il n’avait pas un ministère tout prêt. Sa première pensée, — la bonne, — avait été de constituer un cabinet sur une base parlementaire très large, d’aller chercher, sans regarder aux bancs où ils siégeaient, les hommes les plus aptes à faire des ministres en une circonstance critique de la vie de la nation, de s’adresser à leur patriotisme et de leur demander compte, non de leurs opinions, mais de leurs résolutions. Point de parti, ni de gouvernement de parti ; point de gauche ni de droite : l’Italie. Pourquoi ce premier projet n’a-t-il pas abouti ? Pourquoi M. Zanardelli n’y a-t-il pas persévéré ? À cause des remontrances de ses amis ou des refus de ses adversaires, ou sans doute pour l’une et l’autre de ces raisons ? Toujours est-il qu’au bout de douze jours de courses et de combinaisons inutiles, M. Zanardelli n’avait ni M. Saracco, ni M. Sonnino Sidney, regardés universellement comme les ministres nécessaires des finances et du trésor. Bien plus : il n’avait pas du tout de ministre des finances ; le comte Guicciardini auquel, en dernier lieu, il en avait offert le portefeuille, ayant cru devoir le décliner. Parti d’une base très large, M. Zanardelli l’avait peu à peu rétrécie, si bien qu’au lieu d’occuper toute la Chambre, elle était ramenée aux limites de la gauche et d’une certaine gauche. On n’y trouvait aucun des noms que l’on aurait souhaité d’y voir ; en revanche, on y trouvait des noms que l’on n’était pas sûr d’avoir jamais vus. M. Zanardelli donnait le trésor à M. Vacchelli, l’instruction publique à M. Gallo, les sceaux à un sénateur, M. Inghilleri, les postes et télégraphes à M. di Blasio. Il donnait les travaux publics à M. Fortis, ancien sous-secrétaire d’État de M. Crispi et démocrate légalitaire, dont le dernier discours avait, par l’ampleur de ses conceptions, épouvanté les gens sensés. À la marine, il gardait l’amiral Racchia ; il mettait à la guerre le général San Marzano, et aux affaires étrangères le général Baratieri. Pour lui, il prenait l’intérieur avec la présidence du conseil. Tel était l’assemblage, la compagine, qu’il soumettait à la ratification de la couronne, ne se dissimulant pas que, nulle part, ce ministère ne soulèverait d’enthousiasme. On le qualifiait sévèrement, mais finement, en disant que M. Zanardelli avait, au bout de douze jours, fait un Cabinet de sous-secrétaires d’État. Enfin, il était fait, et, telle quelle, la liste n’attendait plus que l’approbation du roi, lorsqu’on apprit que le général Baratieri retirait son consentement.

C’était encore une fois la combinaison à vau-l’eau. Les partisans quand même de M. Zanardelli se montraient fort émus et