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frappe y soit interdite depuis 1893, de l’Indo-Chine, de la Chine et partiellement aussi celle du Japon, qui possède en outre une circulation de monnaies d’or. Voilà donc six ou sept cent millions d’hommes qui ne connaissent pour ainsi dire pas d’autre monnaie, de grandes nations qui depuis des siècles ont été habituées à n’évaluer la richesse qu’en argent. Nous ne pouvons les ignorer. Ce ne sont pas des sauvages africains ou polynésiens. Leur commerce intérieur est immense, leurs relations avec nous sont nombreuses et grandissent chaque jour. Un des traits caractéristiques de l’Exposition universelle de Chicago en 1893 était énorme progrès réalisé par le Japon. De 1889 à 1893, c’est-à-dire dans le court intervalle qui avait séparé la célébration à Paris du centenaire de la Révolution française de celle du quatrième centenaire de la découverte de l’Amérique, aux bords du lac Michigan, des observateurs attentifs ont pu constater les pas rapides faits par ce pays asiatique, dont la population égale celle de la France et dont l’industrie rivalise parfois avec la nôtre. N’avons-nous pas un intérêt considérable à nous préoccuper de son système monétaire, c’est-à-dire de l’un de ses moyens d’échange avec l’Europe ?

Lorsqu’un Mexicain parle d’une fortune de cent mille piastres, il se représente la contre-valeur en terres, en maisons, en marchandises, en bétail, de cent mille pièces d’argent à l’effigie de la République mexicaine, pesant chacune vingt-sept grammes. De même lorsqu’un Anglais parle de cent mille livres sterling, il se figure l’équivalent de cent mille pièces d’or appelées souverains ou de mille billets de la Banque d’Angleterre de cent livres sterling chacun, ce qui est la même chose, puisqu’il sait fort bien que ces billets sont convertibles en or. En France nous avons déjà essayé d’analyser l’idée du franc, et nous avons trouvé que, grâce à notre éducation première, nous établissions une assimilation parfaite entre un certain poids d’or et 15 fois et demie le même poids d’argent. Mais cette confusion est due uniquement à la loi et à la tradition des deux ou trois générations qui nous ont précédés. Au Japon, le petit commerce lui-même fait la distinction entre les yens d’or et les yens d’argent. Aux États-Unis, où les changemens de régime monétaire depuis la fondation de la République, il y a un siècle, ont été plus fréquens que chez nous durant la même période, on a pris l’habitude de parler de dollars d’or et de dollars d’argent, après avoir, durant la guerre de Sécession et les années qui la suivirent, compté en dollars papier, dont personne n’ignorait la différence avec les dollars métalliques. Aujourd’hui la langue courante des États-Unis distingue les dollars