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or et argent. La valeur du statère d’or était fixée aux quatre tiers de celle du statère d’électrum de même poids. Il est bien certain alors qu’il ne suffisait pas de dire « un statère » pour éveiller dans le cerveau d’un Lydien une idée complète : il fallait spécifier statère d’or ou statère d’électrum.

Le rapport entre l’or et l’argent a été de 1 à 14 au temps de Périclès, de 1 à 12 au temps de Platon et de 1 à 10 au temps de Ménandre. Cette dernière proportion avait été adoptée par Alexandre le Grand, qui, frappant des monnaies d’or et d’argent à l’exemple des rois de Perse, établit un bimétallisme qui subsistait encore dans le monde hellénique au moment de la conquête romaine. Mais cette période ne représente que la moindre partie de l’histoire de la civilisation grecque. Pendant tout le reste de cette époque mémorable dans le développement de l’humanité, divers métaux précieux ont servi de monnaies ; une équivalence a été établie entre eux à des taux variables : ils ont circulé tantôt concurremment, tantôt à des momens différens. Mais, dans tous les cas, l’esprit public admettait l’instabilité des proportions.

Au moyen Age, la loi salique, en fixant le wehrgeld à payer pour racheter le meurtre de telle ou telle catégorie d’hommes, les estimait à un plus ou moins grand nombre de sous d’or. Après la période mérovingienne se passe un fait monétaire des plus curieux : l’or, qui constituait à peu près la seule monnaie libératoire sous la première dynastie, disparait soudainement pour faire place à l’argent, qui forme exclusivement, tout d’un coup, la monnaie carlovingienne. Les numismates font de vains efforts pour expliquer cette brusque transition, qui résulte de la façon la plus claire de tous les indices que l’on peut recueillir, mais qui est absolument inexpliquée jusqu’à ce jour.

Aujourd’hui même, l’idée de cette identification est loin d’être absolue, puisque dans certains contrats il est stipulé que le paiement se fera en tant de pièces de l’un des deux métaux spécialement désigné. En Amérique, par exemple, le créancier et le débiteur se mettent d’accord pour ne pas admettre le mot dollar comme une désignation suffisamment claire, suffisamment individualisée : mainte obligation de chemin de fer y est stipulée payable, tant en intérêt qu’en principal, « en dollars d’or du poids et de la finesse établis par les lois existantes au jour du contrat ». Il existe dans le même pays, à Boston en particulier, des sociétés immobilières propriétaires de terrains considérables situés souvent dans les États de l’Ouest, qu’elles louent pour 99 ans. Les locataires y élèvent des constructions dont la jouissance leur est acquise jusqu’à l’expiration de ce bail