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continent, ce qui ne l’empêche pas de désirer qu’une grande intimité s’établisse entre les deux gouvernemens et qu’ils ne cessent point de s’entendre dans des vues de paix et de conservation. En un mot, il a quitté Vienne avec des dispositions que je dois louer et dans lesquelles il ne peut être que confirmé par tout ce qu’il entendra de la bouche de Votre Majesté[1].


Après la lecture de cette pièce, il est inutile que j’entre dans d’autres détails sur ce qui s’est passé au congrès jusqu’au débarquement de Napoléon en France. Je n’ai d’ailleurs voulu m’occuper que de ce qui regarde plus spécialement la France et nullement montrer comment tant d’autres intérêts ont été ou satisfaits ou sacrifiés. Tous les actes du congrès ont été publiés ; il me reste à mentionner un incident assez important.

Le 25 janvier, le roi Murat commettait l’incroyable imprudence de faire remettre à M. de Metternich, par son plénipotentiaire, une note comminatoire. Il se plaignait de ce que la France n’avait pas encore voulu le reconnaître comme souverain de Naples, et cela lorsqu’en sa qualité d’allié de l’Autriche il se trouvait compris dans l’article Ier du traité de Paris. cette note fut très mal accueillie ; elle engagea l’Autriche à portera cent cinquante mille hommes l’armée qu’elle entretenait en Italie. M. de Metternich ajouta à cette précaution celle de faire passer à M. de Talleyrand et au duc de Campo-Chiaro une note dans laquelle il les avertissait que l’empereur son maître était décidé à regarder comme ennemie toute puissance qui ferait marcher des troupes en Italie. On voit qu’il voulait à tout prix rester maître du terrain. M. de Talleyrand, ainsi qu’on l’a déjà vu, avait été fort habilement au-devant de cette difficulté, puisque sa proposition sur le royaume de Naples contenait la restriction qu’on ne pourrait l’attaquer par le territoire italien.

On me demandera peut-être comment il est possible que, dans tout le cours des délibérations de ce congrès, où se trouvaient les principaux hommes politiques de l’Europe, on n’ait rien dit et rien fait relativement à Napoléon et à l’île d’Elbe. « Pourquoi passez-vous sous silence ce qui a dû être dit ou être fait sur un point si important ! » Il semble, en effet, que tout le monde, ait eu peur de l’aborder ; tout le monde cependant sentait que la situation, telle qu’elle résultait du traité du 11 avril, ne pouvait durer ; on se réservait apparemment d’aborder cette question à la fin des travaux, et, bien qu’on en parlât dans les causeries intimes, c’était toujours sans aboutir à rien de positif. La lettre de Murat, apportée par le duc de Wellington, avait réveillé les craintes.

  1. Cf. Pallain, p. 270, et Mémoires de Talleyrand, III, 61.