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forte puissance militaire de l’Allemagne, l’allé consentait bien à ce que cette puissance reçût des agrandissemens importuns, mais elle les voulait en Pologne, comme moyen d’éloigner la Russie de l’Allemagne, ou dans les provinces rhénanes. Cette combinaison, en disséminant les élémens de la puissance prussienne, les paralyserait en grande partie.

L’Angleterre entrait, sous quelques rapports, dans les sentimens de l’Autriche, mais toutefois, elle ne s’opposait à la réunion de la Saxe à la Prusse qu’en tant que cela pouvait être considéré comme une mesure imaginée pour la réduire, en lui faisant accepter une frontière sans défense du côté de la Pologne, à un état de dépendance absolue vis-à-vis de la Russie ; et elle déclarait que, si telle devait être la conséquence de cet arrangement, elle n’y consentirait jamais. Elle voulait donc que l’acquisition de la Saxe ne fût point un obstacle à ce que la Prusse recouvrât en Pologne tout ce qu’elle y avait possédé. Du reste, elle ne contestait pas, elle admettait même le droit de disposer de la Saxe comme d’un pays conquis.

L’Autriche ne s’y opposait pas en principe, mais elle n’osait pas se prononcer aussi nettement ; elle engageait la Prusse à se contenter d’une partie de la Saxe, la portion qui resterait au roi de Saxe devant se trouver interposée entre la Prusse et la Bohême. Le cabinet de Vienne exprimait d’ailleurs, comme l’Angleterre, de vives inquiétudes sur les agrandissemens de la Russie en Pologne. Les intentions et les craintes de ces deux puissances furent consignées dans deux notes transmises à la Prusse pendant la durée du mois d’octobre. La question des agrandissemens accordés à cette puissance en souleva donc deux autres, toutes deux extrêmement délicates : celle de la conservation ou de la destruction du royaume de Saxe, et celle du consentement ou du refus donné à la conservation presque entière, par la Russie, de la partie de la Pologne qui avait composé le grand-duché de Varsovie qu’elle occupait alors.

Le mois d’octobre tout entier fut employé à des débats préliminaires, sans amener aucun rapprochement dans les opinions, dans les intentions opposées. On arriva au 8, jour fixé pour l’ouverture du congrès, sans être plus avancé que le premier jour. La prudence commandait de cacher au public un fait aussi significatif. On fit paraître, le 1er novembre, une nouvelle déclaration dans laquelle les plénipotentiaires des huit puissances signataires du traité de Paris annonçaient qu’une commission de trois membres était instituée pour procéder à la vérification des pouvoirs des plénipotentiaires des autres puissances. En fait. l’idée d’une réunion générale du congrès était complètement