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orientée de l’ouest à l’est et plus longue que large ; elle affecte la forme d’un parallélogramme dont les quatre côtés font face aux quatre points cardinaux. Plus massive et plus rigide que Saint-Domingue, elle est de moindre altitude, bien que semée de massifs disjoints dont la plus haute sommité, le Yunque, à l’angle nord-est, mesure 1 120 mètres. Il est le nœud orographique de l’île, nonobstant sa situation excentrique à l’une des extrémités ; c’est au Yunque qu’aboutissent les chaînons montueux qui sillonnent l’île et entre lesquels se creusent des vallées presque toutes perpendiculaires à la mer et arrosées par d’abondans cours d’eau.

Tenue pour partie intégrante de la mère patrie, Puerto-Rico n’est pas administrativement une colonie, mais une province espagnole et, de fait, elle a conservé, nonobstant son climat tropical et sa situation insulaire, l’empreinte caractéristique de la vieille Espagne. Si l’on ne retrouve ici ni les grandes cités de Cuba, ni les somptueuses résidences, ni le luxe et l’élégance de La Havane, en revanche, les agglomérations urbaines sont nombreuses. Ponce, le centre le plus important, renferme 40 000 âmes, San-German 31000, San-Juan 26000, Aracibo et Monado environ autant, Mayagues 20 000, puis des villes secondaires, au nombre d’une trentaine environ, endormies, il y a peu d’années encore, dans une torpeur séculaire, n’ayant alors avec l’Europe que de rares rapports, indifférentes aux événemens qui l’agitaient. Puerto-Rico, peu connue, végétait en dehors du grand courant commercial, se suffisant à elle-même, satisfaite de sa condition, ignorante du luxe et de la misère, du confort et des besoins que fait naître la civilisation, heureuse peut-être, isolée du reste du monde à coup sûr.

Et cependant, de ces terres antiliennes, elle est, avec Cuba, la plus riche et la plus fertile, la plus renommée pour la qualité de son café, et aussi celle qui s’adapte le mieux à l’élevage du bétail et à tous les genres de culture. À ces titres divers, elle ne pouvait rester plus longtemps dans son isolement, le jour où la vie s’éveillait autour d’elle au contact de la civilisation envahissante, de l’or et de l’industrie des États-Unis. On les retrouve ici, eux et leurs pionniers et aussi les capitaux et les colons de l’Europe. Des émigrans corses ont créé dans l’île d’importantes plantations de café, encouragés à le faire par la concession octroyée à une compagnie française pour la construction des voies ferrées. Telles étaient, il y a peu de temps, les difficultés de communications à Puerto-Rico, qu’une tonne de café coûtait 60 francs de transport d’un point quelconque de l’intérieur jusqu’au port d’embarquement et qu’il était moins dispendieux de faire venir d’Asie le riz, et d’Amérique le maïs, que cette île produit en abondance, que de